Ce soir, à quelques secondes du coup d'envoi du match d'ouverture de la Coupe du monde de football opposant le Brésil à la Croatie, un adolescent paraplégique va se lever de son fauteuil roulant, faire quelques pas sur la pelouse de l'Arena Corinthians de São Paulo devant 65.000 spectateurs et frapper, malgré son handicap, le tout premier ballon de la compétition. Il sera équipé d'un complexe exosquelette dont les mouvements sont, en partie, activés par son cerveau.La démonstration, préparée depuis des années par une équipe d'ingénieurs emmenée par le médecin brésilien Miguel Nicolelis, devrait subjuguer plus d'un milliard de téléspectateurs et projeter, pour la première fois, cette technologie révolutionnaire, longtemps présentée comme une chimère pour bandes dessinées de science-fiction, sur le devant de la scène. « Ces systèmes vont permettre d'offrir une nouvelle puissance aux humains », souffle Hiromichi Fujimoto, le PDG d'ActiveLink, une filiale de Panasonic spécialisée dans le développement d'exosquelettes.

Un défi fantastique

Les premières recherches sur le sujet remontent au début des années 1990. « Le secteur de la défense a été le premier à s'intéresser aux exosquelettes, indique Catherine Simon, directrice du Salon Innorobo. La technologie s'est ensuite diffusée dans le monde médical. » Les développeurs d'exosquelettes prévoient désormais une pénétration de leurs engins dans une multitude de secteurs. « Il y a des applications possibles dans les industries où se multiplient les tâches pénibles, dans la logistique, la construction, l'agriculture, le nucléaire ou les opérations de secours et, bien sûr, la santé », explique Hiromichi Fujimoto.A lui seul, le marché des « robots » de rééducation, qui aident notamment des grands accidentés ou des personnes âgées à retrouver de la motricité, pourrait, selon une étude de WinterGreen Research, atteindre 1,8 milliard de dollars en 2020, contre seulement 43,3 millions de dollars l'an dernier. « Les progrès sont fantastiques. Des personnes réapprennent vraiment à marcher », expliquait, il y a quelques semaines, à Tokyo, à l'occasion d'un séminaire, le professeur allemand Thomas A. Schildhauer. Avec ses équipes, il entraîne ses patients cinq fois par semaine pendant trois mois avec l'exosquelette HAL, développé par la société japonaise Cyberdyne.

Le principal concurrent de Cyberdyne dans le secteur médical est l'américain Ekso Bionics. L'entreprise, fondée en 2005 par des anciens de l'université de Californie à Berkeley, propose depuis février 2012 un exosquelette destiné à la rééducation. En France, une équipe du CEA s'est lancée dans un projet encore plus ambitieux : faire marcher un patient tétraplégiquegrâce à un exosquelette bras et jambes piloté par un implant cérébral.

Mais c'est dans l'industrie que pourrait résider le premier marché de masse pour les exosquelettes. Le japonais ActiveLink pense pouvoir lancer, l'an prochain, un modèle appelé « Power Loader », qui s'enfilerait rapidement et permettrait à un humain de soulever des charges de plusieurs dizaines de kilos. Il devrait être proposé à un prix inférieur à 5.000 euros l'unité. « Pour réussir la commercialisation, il faut des appareils légers, bon marché et pratiques », souligne Hiromichi Fujimoto.