Des deux côtés de la frontière russo-ukrainienne, les entreprises françaises font le dos rond. La crise entre les deux pays a jeté un coup de froid avec les Russes d'un côté. En Ukraine, de l'autre, c'est la dégradation du marché qui inquiète les Français.Thomas Moreau, président de la Chambre de commerce et d'industrie franco-ukrainienne, constate déjà les dégâts : « La perte de la Crimée nous avait fait perdre 5 à 10 % de chiffre d'affaires, proportionnellement à la population de cette région. Et depuis mars, c'est une baisse de 15 % que les entreprises essuient en Ukraine, nous n'avons pas d'espoir que la tendance change ces prochains trimestres. » Un coup dur pour les 160 entreprises qui investissent ce marché depuis plus de quinze ans.Implanté commercialement en Ukraine depuis plusieurs années, le groupe alsacien Kuhn enregistre un recul proche de 40 % des échanges sur les premiers mois de 2014. Poids lourd du machinisme agricole, cette entreprise qui compte une dizaine d'usines et dépasse le milliard d'euros de chiffre d'affaires avait beaucoup misé sur ce marché jusque-là en plein boom. « Les événements en cours n'expliquent que très partiellement le recul de nos ventes qui est d'ailleurs similaire en Russie », indique Rolf Schneider, l'un des responsables export de Kuhn. « Ce qui impacte réellement notre business, dit-il, ce sont les conséquences des dévaluations du rouble et de la hrivna qui renchérissent nos produits. » De plus, il constate que beaucoup de ses clients, notamment les grosses coopératives agricoles, ont de plus en plus de mal à décrocher des crédits bancaires.

« Prudence »

Chez Euralis, la coopérative agroalimentaire basée à Pau, une filière complète de production de semences a été lancée en Ukraine. Il y a acquis en juin 2007 la société Cherlis, basée à Tcherkassy, au sud-est de Kiev. A partir de cultures locales s'étendant sur plus de 11.000 hectares, il élabore des semences de maïs et d'oléagineux (tournesol et colza). Et via deux sociétés commerciales créées la même année (l'une à Kiev, l'autre à Rostov-sur-le-Don), elles sont vendues dans ce pays, mais également en Russie. « Et, pour le moment, pas de problème : les camions passent la frontière pour aller livrer nos clients russes, comme d'habitude. Mais c'est à ce jour », insiste Olivier Quéro, porte-parole d'Euralis.Parmi les exportateurs vers la Russie, l'inquiétude se fait tout aussi sentir, comme chez Prim'land, société de commercialisation montée par des kiwiculteurs du sud des Landes. Elle expédie depuis quelques mois des tonnes de kiwis en Russie et en Ukraine : une opération à l'export engageant 200.000 euros et financée à 50 % par le Conseil régional d'Aquitaine. « Ces dernières semaines, nous avons réduit de moitié nos volumes vers ces deux pays, confie François Lafitte, président de la société, et, par prudence, nous avons rapatrié nos techniciens qui continuent leur travail depuis la France. »