Pour espionner un individu, il n'y a pas que le piratage informatique. On peut aussi écouter illégalement ses conservations sur son mobile. « Si l'on sait bidouiller soi-même, et il faut entre 1.500 et 2.000 euros de matériel. Une valise d'écoute complète coûte entre 5.000 et 50.000 euros », lance Gérome Billois, consultant cyber-sécurité chez Solucom. Piéger un mobile laissé sans surveillance prend deux minutes. « Autre technique : on vous fait gagner le Samsung de vos rêves. Il arrive sous plastique. Pas de raison de se méfier. Mais il est piégé », raconte Eric Filiol, directeur de recherche à l'Eseia, qui a travaillé sur Uhuru, une solution de téléphone chiffré.

Face à ce fléau, une avalanche de solutions sécurisées est venue envahir le marché. Dernièrement, le Blackphone, un mobile vendu 629 dollars au grand public, a fait grand bruit. Co-développé par le madrilène Geeksphone et l'américain Silent Circle, il se veut entièrement sécurisé.

En France, les grands patrons balaient souvent le problème d'un revers de manche. Il faut dire que les appareils sécurisés peuvent avoir un effet repoussoir. Aussi difficile à percer qu'un mur en béton, le Teorem, un mobile de chez Thales, est certifié Secret Défense. Commandé par la Direction générale de l'Armement, il est destiné aux militaires et aux services de l'Etat. Mais ses utilisateurs potentiels - à commencer par Nicolas Sarkozy - ont froidement accueilli le mobile au look et à l'ergonomie sortis des années 1990, et particulièrement long à se connecter, en raison de ses diverses couches de sécurité. Sans compter son prix d'achat exorbitant, estimé entre 4.000 et 5.000 euros. Pour conquérir des patrons amoureux de leurs iPhone ou de leur Blackberry, les spécialistes rivalisent d'ingéniosité. Cherchant à se démarquer de Thales, Bull a sorti fin 2013 son smartphone Hoox. « Hoox a été développé sur une couche Android, plus conviviale, même si nous avons retiré des outils comme Google Maps », explique Philippe Duluc, directeur de la sécurité de Bull. Exclusivement destiné aux entreprises, le système chiffre voix et données (SMS...) entre deux téléphones Hoox de la même organisation, ou entre le mobile et l'entreprise. Mais à 2.000 euros l'appareil, le Hoox n'est pas à la portée de toutes les bourses.Chez Thales, plutôt que l'onéreux Teorem, on met en avant Teopad, une solution logicielle qui s'installe sur n'importe quel smartphone, et qui coûte entre 140 et 500 euros, en plus du prix du mobile. Le niveau de sécurité est moins élevé, dans la mesure où Thales ne maîtrise pas le matériel - une porte dérobée a récemment été découverte sur un Samsung. Mais Teopad serait plus en phase avec les attentes. « Les contraintes d'un téléphone sécurisé sont encore trop importantes », indique Fabrice Hatteville, responsable produits chez Thales. Teopad équipe notamment le ministère de la Défense et Vinci.

Le mobile renvoie sur une fausse adresse, « type parking de la NSA »

Des PME tentent aussi de se faire une place sur le marché. Ainsi, le consortium Davfi commercialisera en avril Uhuru, un système qui « durcit » des téléphones Android, comme les Nexus, Samsung ou Sony. « On aura un magasin de 450 applications. Et en cas de tentative frauduleuse de géolocalisation, le mobile renvoie à une fausse adresse, type parking de la NSA », dit Jérome Notin, membre du consortium. Egalement attractive, la solution coûte environ 300 euros, en plus du smartphone. Partenaire du Hoox, le Français Ercom a aussi sa propre carte à puces sécurisée à insérer dans n'importe quel mobile.Toutefois, aucun industriel ne promet le risque zéro. « Il arrive que le contexte dans lequel une solution est utilisée affaiblisse grandement son efficacité », avertit Arnauld Mascret, directeur du centre de R&D de Sogeti, qui sait par exemple très facilement retrouver le code pin d'un smartphone chiffré HTC.

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