Six mois après le passage dévastateur du cyclone Chido et une loi de reconstruction adoptée en février, l'Assemblée s'empare d'un nouveau texte pour Mayotte.
"Depuis des années, pour ne pas dire des décennies, les Mahorais attendent ce texte qui doit répondre à leurs aspirations à l'égalité réelle et au parachèvement de la départementalisation. Nous y sommes", s'est exclamé le ministre des Outre-mer Manuel Valls, devant les députés.
"A l'heure des ingérences étrangères et de la volonté de déstabiliser la France, il est plus que jamais nécessaire d'agir et de concrétiser la promesse républicaine à Mayotte", a insisté le ministre, défendant un texte "d'une ambition politique sans précédent", devant un hémicycle quasi vide.
Colonisée en 1841, Mayotte choisit de rester dans la République française après la proclamation d'indépendance des Comores dans les années 1970. C'est à la suite d'un référendum organisé en 2009 que l'archipel de l'Océan indien devient le 101e département français.
Mais des années et plusieurs plans gouvernementaux plus tard, les inégalités avec l'Hexagone restent abyssales: 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté national et environ un tiers de l'habitat est "informel", souvent des bidonvilles insalubres. Le cyclone n'a fait qu'exacerber ses fragilités.
"Si cette loi Mayotte n'est pas parfaite" et "manque à de nombreux égards de répondre aux attentes légitimes", elle marque, cependant, "une étape historique", salue la députée de Mayotte et corapporteure du texte, Estelle Youssouffa (groupe Liot).
Car Mayotte "n'a jamais bénéficié des investissements structurels" comme le reste du pays, a rappelé l'élue.
Le texte prévoit de débloquer "près de quatre milliards d'euros" sur six ans. "Un engagement financier sans précédent", fait valoir le ministre au moment où le pays doit trouver 40 milliards d'euros d'économies.
Mais pour la seconde députée de Mayotte, Anchya Bamana (RN), "comment faire confiance à des promesses budgétaires floues quand tant d'engagements précédents n'ont jamais été honorés ?"
Adopté fin mai au Sénat, le texte liste deux priorités: la lutte contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal, "sans quoi, nous risquons de reconstruire Mayotte sur du sable" selon M. Valls, qui défend des mesures pour faciliter la destruction des bidonvilles ou durcir les conditions d'accès au séjour sur l'archipel, où la moitié de la population est étrangère.
Tour à tour, les députés de gauche ont dénoncé "l'obsession de l'immigration". "Pendant ce temps, la justice sociale, l'égalité réelle, la question du développement, de l'accès à l'eau, à l'école, à la santé, tout cela est relégué au second plan", a dénoncé Emeline K/Bidi (GDR).
- "Signal fort" -
Le texte contient cependant un volet économique et social avec une mesure particulièrement attendue sur l'archipel: la convergence sociale - c'est-à-dire une harmonisation du niveau de prestations sociales entre Mayotte et la métropole.
Elle est prévue à échéance 2031, mais un premier objectif a été cranté en commission: atteindre 87,5% du Smic dès le 1er janvier 2026.
La convergence était déjà promise, il y a dix ans de cela, pour 2025... ont souligné certains députés à la tribune. "C'est la première fois qu'un gouvernement" l'inscrit dans la loi, a voulu rassurer M. Valls.
Autre disposition réclamée sur l'archipel, la fin du visa territorialisé, qui empêche les détenteurs d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone. La mesure est vue comme un manque de solidarité de la métropole refusant de prendre sa part du problème migratoire.
Son abrogation a été approuvée en commission, mais à compter de 2030, le temps que les dispositifs de lutte contre l'immigration fassent effet et éviter ainsi un appel d'air.
C'est "un signal fort" réclamé depuis des années, a salué Mme Youssouffa, plaidant toutefois pour sa suppression dès 2026.
En milieu de soirée, les députés ont commencé à examiner dans le détail le projet de loi, avec des débats tendus dès le premier article.
Adopté juste avant minuit, il durcit les conditions d'accès au séjour pour motif familiaux. Il porte notamment de trois à cinq ans la durée de résidence régulière exigée pour la délivrance de la carte de résident "parent d'enfants français".
Pour les députés de gauche, la mesure risque "d'aggraver" le problème des mineurs isolés et le nombre de personnes "sans statut" aggravant la précarité sociale et le non-recours aux droits.
Les discussions reprendront mercredi en fin de journée et devraient s'étendre tout au long de la semaine.