En hausse de plus de 30 % l'an dernier, les défaillances d'entreprise en France continuent de progresser. Au premier trimestre, elles ont augmenté de 19,4 % par rapport à la même période de 2023, selon les dernières données du cabinet Altares.

Avec près de 17.090 procédures enregistrées, leur nombre atteint son plus haut niveau depuis le premier trimestre 2015. La barre symbolique des 60.000 défauts sur douze mois, qui avait été franchie dans le sillage de la crise financière de 2008, a été passée « dès le mois de février », note la société de conseil.

Signaux d'accalmie

La pente reste donc raide, mais des « premiers signaux d'accalmie » commencent à apparaître. La hausse des défauts ralentit nettement. « L 'an dernier, on enregistrait des progressions supérieures à 40 %. La hausse des défaillances est désormais deux fois moins importante. Cette inflexion pourrait augurer d'une amélioration au deuxième trimestre », estime Thierry Millon, le directeur des études d'Altares. Pour le spécialiste, « la page du Covid est en train de se refermer, exception faite des prêts garantis par l'Etat souscrits pendant la crise sanitaire qu'il faut rembourser ».

Pour donner de l'oxygène aux sociétés les plus fragiles, Bercy a néanmoins assoupli les conditions de remboursement en début d'année. Mais dans cette nouvelle phase, les difficultés trouvent leurs racines dans toute une série d'autres facteurs : « L'affaiblissement de la croissance, les tensions sur les marges avec la hausse des coûts et le durcissement des conditions de financement », égrène Maxime Lemerle, responsable des défaillances chez Allianz Trade.

Les TPE en première ligne

Les très petites entreprises sont toujours les plus nombreuses à tomber. Mais le mouvement envoie à présent au tapis de grosses PME, ainsi que des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Selon Altares, le nombre de sociétés de plus de 50 salariés qui ont fait l'objet d'une procédure collective a bondi de près de 60 % sur un an, pour s'établir à 154. Un niveau qui n'avait plus été atteint depuis 2013. « Ce chiffre recouvre des situations atypiques comme celle du groupe d'Ehpad Medicharme placé en liquidation judiciaire et qui comptait de multiples sociétés », tempère néanmoins Thierry Millon.

Les secteurs les plus touchés par les défauts en ce début d'année sont toujours ceux liés aux activités immobilières (de la construction, qui représente un quart des défauts, à l'équipement du foyer), frappées de plein fouet par le durcissement des conditions de financement. Mais l'habillement ou une partie des services aux entreprises - dont le transport routier - sont également à la peine. A contrario, la restauration et les commerces de bouche semblent sortir du marasme. Pour le dirigeant d'Altares, le ralentissement de l'inflation, la baisse des taux d'intérêt, ainsi que le regain d'activité apporté par les Jeux Olympiques laissent espérer une amélioration progressive de l'activité économique, ce qui pourrait ralentir la vague de défaillances en France dans les prochains mois.

Haut niveau de sinistres

Pour autant, la France devrait renouer cette année avec les hauts niveaux de sinistralité qu'elle avait connus entre 2010 et 2015. Altares attend ainsi autour de 64.000 défaillances « si la croissance économique approche les 0,8 % ». Ce qui représenterait une hausse de 10 % sur un an.

L'OFCE, qui vient de ramener sa prévision de croissance pour la France en 2024 à 0,5 %, entrevoit une remontée du même ordre, avec 63.000 défauts cette année et 68.000 l'an prochain. L'économiste d'Allianz Trade se montre plus optimiste et table sur 60.700 défaillances cette année, avant une décrue l'an prochain autour de 55.000. « L'impact sur l'emploi reste pour l'instant relativement limité, car la majorité des défauts concernent des très petites entreprises », souligne Maxime Lemerle.