S'il fallait catégoriser les fonds de capital-risque (VC) et ceux de capital-développement (PE) dans la grande famille du capital-investissement, les premiers seraient les benjamins attirés par le risque et les territoires inexplorés. Les seconds seraient les aînés, moins aventureux, en quête d'actifs rentables avec une approche plus calculée et mesurée. « Ils ont des différences culturelles sur la manière de voir les sociétés, entre risque et rendement. Les VC vont espérer des multiples de 10 ou 15 sur une start-up du portefeuille, là où les fonds de PE vont chercher entre ×2 et ×3 sur toutes leurs sociétés », analyse Antoine Ganancia, associé chez Clipperton, une banque d'affaires, auteur d'un rapport à ce sujet.Le nombre de start-up qui transitionnent entre les fonds de capital-risque et les fonds de private equity a explosé ces dernières années. Ces opérations représentent environ un quart de toutes les « sorties » tech en Europe depuis 2021, contre 8 % sur la période 2006-2010.

Rentabilité et croissance

Pour être éligibles à un fonds de private equity, les start-up doivent répondre à des indicateurs spécifiques. Le principal critère étant la rentabilité, ou l'horizon clair de rentabilité - tout en étant efficientes au niveau des dépenses. « Ceci est essentiel pour maintenir les opérations, financer les initiatives de croissance et, en fin de compte, générer des rendements pour les investisseurs », note le rapport. A cela s'ajoute la nécessité d'avoir un historique solide de clients fidèles, de générer plus de 10 millions de revenus et d'avoir une croissance d'au moins 20 % par an.Mais tous les types de start-up ne peuvent pas prétendre à ce type de sortie. La grande star reste le logiciel pour entreprises (SaaS). Un modèle qui possède une rentabilité structurelle, avec des revenus récurrents et de grosses marges.Les services en direction des consommateurs sont rarissimes. On peut néanmoins noter Click & Boat (Permira) ou encore Hello Syndic (Naxicap). En Europe, les fonds les plus actifs restent l'américain PSG, qui a racheté Zenchef l'année dernière, le britannique Bridgepoint qui a acquis Brevo (ex-Sendinblue) en 2021 et le suédois Summa Equity.A la différence du capital-risque, qui prend des parts minoritaires, le private equity est généralement proche des 50 %, voire est majoritaire. « Les fonds de VC vont être plus discrets en tant qu'actionnaires, avec des équipes plus petites et plus juniors, tandis que les fonds de PE vont être capables de mettre en place des vraies équipes support », poursuit le banquier d'affaires.Ces derniers allouent souvent des poches d'investissement aux start-up pour leur permettre de réaliser des acquisitions et ainsi créer des leaders dans leur secteur. D'où la nécessité pour les start-up d'avoir identifié en amont des cibles potentielles. Mangopay a par exemple bénéficié de 75 millions d'euros de la part d'Advent et a déjà acquis les start-up Nethone et WhenThen.

Avoir une équipe solide

« Le fonds nous a permis de greffer un moteur B to B dans notre croissance et de construire une stratégie de build-up [croissance externe]. C'est une sécurité dans la prévision des revenus qu'apprécient beaucoup ce type de fonds, et c'est différent de ce que j'ai connu dans la précédente vie de l'entreprise », glisse Eytan Koren, cofondateur de Hello Syndic, qui travaille avec Naxicap depuis environ quatre mois.Si tous les critères sont réunis, ce type d'opération a beaucoup plus de chances d'aboutir qu'une introduction en Bourse ou une opération de fusion-acquisition, note le rapport. Le délai moyen oscille entre quatre et six mois. « C'est d'autant plus intéressant que dans le marché actuel, la durée des levées de fonds s'est considérablement allongée, entre six et douze mois selon les start-up », avance Antoine Ganancia.L'autre élément clé réside dans les fondateurs et l'équipe de direction, qui doit être « expérimentée et posséder une profonde compréhension de son secteur, une vision stratégique à long terme », précise le rapport. Là où les fonds de capital-risque vont principalement traiter avec les dirigeants, les fonds de private equity incluent les cadres supérieurs de l'entreprise : directeur financier, DRH, directeur des ventes, directeur des revenus… Et en étant majoritaires, ils ont aussi la capacité de faire le ménage dans les équipes.