Inscrite dans la loi du plein-emploi du 18 décembre 2023, la réforme France Travail entame sa phase de généralisation à compter du 1er janvier 2025. Pour l'ex-Pôle emploi, c'est l'événement le plus majeur depuis la fusion entre l'ANPE et l'Assedic, il y a quinze ans. Il va bien au-delà puisque toutes les structures d'aide aux chômeurs sont potentiellement concernées.

Qu'est-ce qui change au 1er janvier ?

Pour 1 million de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), allocataires et leurs conjoints, et 200.000 jeunes, en dehors des radars de France Travail, l'entrée dans la nouvelle année signifie une inscription automatique à l'ex-Pôle emploi. Sans aucune démarche, et sans que cela ne change rien aux allocations qu'ils perçoivent ou à l'accompagnement dont ils bénéficient, si c'est le cas. Il en sera de même, au fil de l'eau, pour ceux qui solliciteront le RSA ou frapperont à la porte d'une mission locale.Tous seront orientés - à l'issue d'un entretien téléphonique au début, par un logiciel ensuite - vers l'organisme le mieux à même de les aider. Là, un conseiller fera un diagnostic à 360 degrés de leur situation socioprofessionnelle, définira le type de parcours d'aide le plus adapté, et les deux parties signeront un contrat d'engagement les liant (lire plus bas).Il s'agit, primo, d'accélérer les délais entre le début des démarches et de parcours, alors que trop de personnes sont laissées sans nouvelle. Et, secundo, d'adapter ces parcours pour augmenter leurs chances d'insertion professionnelle ou, au préalable, de surmonter leurs difficultés sociales, de garde d'enfant ou de mobilité par exemple.

Qui, quoi et où ?

Même si la loi a fait de France Travail le processeur de la réforme, elle ne se limite pas aux seules troupes de l'ex-Pôle emploi. Missions locales ou écoles de la deuxième chance pour les jeunes, Cap emploi pour les handicapés, conseils départementaux pour les allocataires du RSA ou encore structure de l'insertion par l'activité économique pour les personnes très éloignées du marché du travail : tout ce que la France compte de structures d'aide aux chômeurs va désormais avancer de manière coordonnée. Ce réseau pour l'emploi partagera les pratiques, une Académie France Travail a été créée pour cela. Chaque membre pourra mobiliser les services des autres. Si l'informatique suit, les données du chômeur ne connaîtront pas de frontières pour éviter qu'il répète la même chose.Pour définir les grandes orientations, un comité national France Travail a été mis sur pied. C'est lui qui a arrêté les critères communs pour le diagnostic et l'orientation par exemple. Présidés par l'Etat et la collectivité locale afférente, trois autres niveaux de coordination du réseau sont en cours d'installation : régional, départemental et territorial (bassin d'emploi). A charge pour chaque échelon de définir ses orientations, plans d'action et résultats à atteindre, comme à Béthune pour l'attractivité des métiers ou dans le Grand Paris Sud en faveur des mères isolées.

Quinze heures par semaine contre RSA ?

Objet de vifs débats gauche-droite, la durée hebdomadaire d'activité d'au moins 15 heures a été assimilée à une contrepartie au versement du RSA. A tort. La loi stipule que tout chômeur, quel que soit son statut (qu'il perçoive ou non un minima social), devra signer, en concertation avec le conseiller de la structure vers laquelle il aura été orienté, un contrat d'engagement précisant les obligations des deux parties. Pour le conseiller, il s'agira d'apporter toute l'aide nécessaire au chômeur. Ce dernier devra s'engager sur « son assiduité et sa participation active » à son plan d'action dont l'intensité horaire dépendra (et évoluera en fonction) de sa situation.

En clair, tout le monde n'aura pas à faire 15 heures. La loi a d'ailleurs prévu des exemptions, pour les parents isolés par exemple. L'éventail des actions, qui plus est, est très large : démarche administrative, atelier CV, formation, immersion en entreprise… Si sanction il y a, ce sera en fonction du respect ou non du contrat d'engagement dans son ensemble, affirme France Travail. Pour les bénéficiaires du RSA, la décision restera du ressort du conseil départemental.

qu'en est-il pour les employeurs ?

La réforme ne pourra pas fonctionner sans une mobilisation accrue du nouveau service public de l'emploi en faveur des entreprises. France Travail met souvent en avant que la seule prospection de 100 d'entre elles qui embauchent permet ainsi de faire ressortir sept emplois de plus que si elles étaient laissées toutes seules. Las. Trop peu d'entreprises font appel à ses services, malgré une équipe de 6.000 conseillers qui labourent le terrain depuis 2015.Recueil et amélioration des offres, présentation de candidats, formation préalable à l'embauche, recrutement par simulation, sans oublier l'accès à toutes les aides, nationales ou locales : le catalogue de prestations est pourtant riche et gratuit. L'une d'entre elles a le vent en poupe : l'immersion professionnelle, pour que le chômeur ait l'opportunité de découvrir le métier et que l'employeur puisse le tester. Avec cette réforme, le nombre de prospections doit passer de 100.000 en 2023 à 600.000 en 2027, en mobilisant tous les acteurs du service public, bassin d'emploi par bassin d'emploi. La promesse ? Chaque entreprise qui appellera se verra attribuer un référent unique. Chez France Travail, les plages horaires d'appels vont ainsi être étendues. L'opérateur a même créé une marque, « France Travail Pro » pour symboliser son engagement.

Le chômage va-t-il augmenter ?

Avec 1,2 million d'inscrits de plus dès le 1er janvier, les statistiques du chômage du ministère du Travail vont prendre de l'embonpoint. « La réforme ne crée pas de nouveaux chômeurs, mais rend visibles des demandeurs d'emploi qui ne sont pas sur les listes », insiste l'ex-Pôle emploi. Tous seront « classés » dans deux nouvelles catégories statistiques. La première, G, servira de sas d'attente, avant d'être rangés en A, B, C, D, ou E, en fonction de leur obligation ou non de chercher un travail et des heures travaillées. Voire F, pour les personnes bloquées par leurs freins sociaux. Le taux de chômage, mesuré par l'Insee sur enquête, va-t-il aussi connaître une poussée de fièvre ? « Le lien entre inscription à France Travail et passage du statut de non actif à actif au sens de l'enquête emploi » n'est pas automatique, rappelle l'Unédic. L'inscription ne devrait pas à elle seule modifier la perception d'un bénéficiaire du RSA de sa situation. Elle peut en revanche stimuler ses démarches de recherche d'un emploi. « Au total, la réforme pourra avoir des effets à la fois haussiers sur l'emploi et sur l'activité avec un effet total incertain sur le chômage », estime l'Insee, qui renvoie à la mi-mai pour une première évaluation.