Reprendre une activité professionnelle alors que l'on est à la retraite, pourquoi pas ? Maintes fois réformé depuis sa création en 1945, ce dispositif permet d'additionner pensions de retraite et nouveaux revenus, quels que soient le statut professionnel adopté et les régimes qui vous versent une pension.

Le cumul emploi-retraite n'a pas échappé à la dernière réforme des retraites et c'est tant mieux, car il est devenu plus attractif.

Attendre le taux plein

Pour optimiser une activité professionnelle post-retraite, il vaut mieux avoir obtenu toutes ses pensions (de base et complémentaires) françaises et éventuellement étrangères (dès lors que l'âge d'ouverture des droits est le même qu'en France) à taux plein et à partir de l'âge légal applicable à votre génération (ou à partir de 67 ans, âge du taux plein automatique).Pourquoi ? Parce que vous aurez ainsi la possibilité de vous inscrire dans un cumul emploi-retraite (CER) dit « libéralisé » ou « intégral », formule de loin la plus souple. Celle-ci vous permettra, par le biais de vos cotisations, d'acquérir de nouveaux droits pour la retraite, débouchant sur une nouvelle pension de base et, éventuellement, de nouveaux points de retraite complémentaire.A défaut de pensions versées à la fois à taux plein et à partir de l'âge légal, vous serez cantonné au CER limité, et l'intégralité de vos cotisations retraite sera versée à fonds perdu : c'est le cas, notamment, si vous faites valoir vos droits pour inaptitude au travail, dès vos 62 ans, quel que soit l'âge légal applicable à votre génération.C'est également le cas, mais de façon temporaire, si vous faites valoir vos droits pour longue carrière, où ce schéma sera opérationnel jusqu'à l'âge légal applicable à votre génération, mais une fois ce cap franchi, vous pourrez acquérir de nouveaux droits pour la retraite.A noter : les salariés ou les fonctionnaires notamment peuvent librement additionner pensions de retraite non calculées à taux plein et revenus tirés de certaines activités (artistiques, contribuant au fonctionnement de la justice…).

Un éventuel délai à respecter

En théorie, tout nouveau retraité peut reprendre du service du jour au lendemain et opter pour une activité identique ou différente de celle qu'il exerçait auparavant. Une liberté qui ne peut s'exercer que sous réserve d'avoir totalement largué les amarres avec son employeur précédent, c'est-à-dire rompu son contrat de travail (les professionnels libéraux, les chefs d'entreprise, les commerçants et artisans affiliés à la Sécurité sociale des indépendants n'ont évidemment pas à respecter cette condition). En pratique cependant, pour les personnes ayant été salariées ou contractuelles de la fonction publique (c'est-à-dire affiliées au régime général pour leur retraite de base et à l'Ircantec pour leur retraite complémentaire), la réglementation distingue désormais deux cas de figure : soit la poursuite d'une activité professionnelle auprès d'un employeur autre que le précédent, soit la reprise d'une activité professionnelle chez l'employeur précédent.Dans le premier cas, les revenus, et donc les cotisations obligatoires qui en découlent, sont immédiatement productifs de droits ; dans le second cas, elles ne le seront qu'au terme d'un délai de six mois (à partir de la date d'effet des premières pensions). Pour les travailleurs non salariés qui « reprennent » leur précédente activité, ce délai de carence n'existe pas.

Une seconde pension de base

La possibilité de percevoir une seconde pension de base pour les ex-salariés, fonctionnaires, indépendants, professionnels libéraux en CER intégral a été introduite par la réforme de septembre 2023. Cette seconde pension ne modifie en rien le montant de la première. Pour autant, quels que soient les nouveaux revenus et la durée du travail, celle-ci ne peut pas dépasser 5 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS), soit 2.318,40 euros par an ou 193,20 euros par mois (5 % × 46.368) pour 2024.

« Pour un salarié du secteur privé, ce plafond est atteint en un peu plus de quatre ans, s'il perçoit un salaire annuel brut soumis à cotisations, équivalent au PASS » souligne Pascale Gauthier, directrice associée chez Novelvy Retraite. « Comme pour la première pension, les régimes de base ne prennent pas en compte la partie des salaires supérieure au PASS », précise-t-elle.Du côté de la Cipav en revanche (professions libérales), 6,5 années de cotisations à hauteur du PASS sont nécessaires pour parvenir au même résultat… !Contrairement à la première pension de base, la seconde pension ne bénéficie pas de la majoration de 10 % pour famille nombreuse. En revanche, par la suite, elle peut donner lieu au versement d'une éventuelle pension de réversion. Dans tous les cas, tous régimes confondus, c'est à vous de la demander (en ligne sur votre espace personnel info-retraite.fr ou en contactant directement les caisses de retraite auprès desquelles vous cotisez). Une fois obtenue, il n'est toutefois plus question de troisième pension, s'il vous prend l'envie de retravailler encore une fois !

Une potentielle seconde retraite complémentaire

Côté retraite complémentaire, pour les retraités éligibles à un CER intégral, l'acquisition de nouveaux droits par le biais des cotisations obligatoires dépend du régime d'affiliation. Là encore, cette nouvelle pension complémentaire ne modifie en rien les montants des retraites complémentaires perçues.Si vous êtes (ou redevenez) salarié, vous aurez droit à des points grâce à vos cotisations, également prises en compte dans la limite du PASS annuel : le cas échéant, pour 2024, cette seconde pension Agirc-Arrco sera donc plafonnée à 207,33 euros bruts par an ou 17,27 euros par mois. Si vous retravaillez durant quatre ans, vous aurez donc droit à 829,32 euros bruts (207,33 × 4) de seconde retraite complémentaire annuelle Agirc-Arrco, soit 69,11 euros bruts par mois (hors revalorisation du PASS, de la valeur d'achat du point Agirc-Arrco et de sa valeur de service).Pour les autres statuts professionnels, tout dépend des régimes d'affiliation. Un architecte ou un moniteur de ski qui cotisent comme auparavant auprès de la Cipav, par exemple, pourront, avec des revenus annuels équivalents au PASS, acquérir 76,6 points de retraite complémentaire et se créer une seconde pension complémentaire d'un montant maximum de 221,37 euros bruts par an. Pour atteindre le maximum de 2.318 euros (5 % du PASS), ils devront engranger durant 10,5 ans des revenus à hauteur du PASS !A noter : à partir de l'année prochaine, les commerçants et les artisans pourront, eux aussi, bénéficier d'une seconde pension, qui aura l'avantage de n'être pas plafonnée.

Des formalités plus ou moins légères

Pour les salariés, les formalités inhérentes à un CER intégral consistent à déclarer par courrier la poursuite ou la reprise d'une activité auprès de leur caisse régionale de retraite de base dans le mois qui suit (avec les coordonnées de l'employeur). Il faut également joindre une attestation sur l'honneur indiquant les différentes caisses de retraite (base et complémentaires) et certifiant que toutes vos pensions vous sont bel et bien versées.Pour les fonctionnaires, une déclaration sur l'honneur est également obligatoire. Pour les professionnels libéraux, une déclaration de reprise d'activité doit être envoyée à leur caisse d'affiliation dans les trente jours qui suivent, et les revenus doivent être déclarés chaque année sur le site Internet net-entreprises.fr.Dans le cadre d'un CER limité, les formalités sont plus contraignantes : les salariés, par exemple, doivent fournir à leur caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) la copie de leurs trois derniers bulletins de salaire, puis, chaque année, les montants et la nature de leurs nouveaux revenus professionnels, ainsi que les coordonnées des caisses de retraite auprès desquelles ils cotisent. Le cas échéant, un questionnaire de contrôle peut leur être envoyé : s'ils n'y répondent pas, leur pension de base est suspendue.