Depuis le 1er janvier, chaque collectivité se doit de proposer une solution de compostage à ses habitants. Cette obligation est liée à la loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) promulguée il y a quatre ans. Dans les prochains jours, la métropole de Bordeaux doit publier le résultat d'un nouvel appel d'offres. Moulinot Compost & Biogaz, qui a gagné les deux premiers marchés, espère remporter le troisième.

La start-up de Seine-Saint-Denis fait partie des entreprises phares qui ont fleuri sur cette nouvelle économie des déchets. Certaines ont concentré leurs efforts sur « le premier kilomètre de la collecte » principalement dans les centres-villes et auprès des professionnels. A l'image d'Hector Le Collector à Toulouse, Sikle à Strasbourg, Binhappy au Havre, Bicycompost à Bordeaux, Ouicompost à Lyon ou encore Altergaïa à La Rochelle. « Le marché est en pleine croissance, car les restaurants, les hôtels, mais aussi les bureaux d'entreprises se doivent de mettre en place une solution de traitement des biodéchets », explique Pacôme Becerro, cofondateur de Bicycompost.

Déchets et biopolymères

Pour toutes ces jeunes pousses, le modèle économique repose sur la prestation de services « par lequel c'est le producteur des déchets qui nous rétribue en fonction du nombre de passages et du nombre de bacs », précise Quentin Saieb, fondateur d'Hector le Collector à Toulouse. Depuis deux ans, les levées de fonds se sont multipliées. Bicycompost qui a levé 825.000 euros début 2023, emploie désormais 13 personnes et vise 1.000 tonnes de déchets traités. « Nous avons 230 clients et nous devrions doubler notre activité cette année afin d'amortir nos investissements, notamment dans des véhicules électriques et atteindre la rentabilité cette année », prévoit Pacôme Becerro.La plupart de ces jeunes entreprises valorisent les biodéchets grâce à des partenariats avec d'autres sociétés qui se chargent du compostage ou de la méthanisation. Les pistes de valorisation sont parfois plus futuristes. Tryon Environnement, qui a levé 6 millions d'euros début 2023, parie sur la « microméthanisation » et un procédé baptisé Modul'O. La start-up exploite une première unité en région parisienne et à l'objectif d'en créer au moins une vingtaine d'ici à trois ans.Quant à Dionymède, créé par trois ingénieurs chimistes, l'ambition est de transformer les déchets alimentaires en biopolymères « qui seront à la fois biosourcés et biodégradables », précise Thomas Hennebel l'un des cofondateurs. Grâce à une première levée de 1,5 million d'euros réalisée fin 2023, elle a déjà réussi à produire quelques kilogrammes de ce matériau en laboratoire.

Moulinot Compost & Biogaz, créée en 2013 par Stéphan Martinez, un ancien restaurateur, est à la fois un des pionniers et un poids lourd du secteur. Tout comme Les Alchimistes et son réseau présent dans une vingtaine de villes, la start-up francilienne a des ambitions nationales.

Moulinot a levé 18 millions en 2022 et déjà gagné en 2023 les marchés de la Ville de Paris et de neuf villes de Seine-Saint-Denis et certains gros clients comme Sodexo. « Nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 8 millions d'euros en 2023 et équilibrons notre activité depuis six mois. La rentabilité va arriver avec les volumes », insiste Stéphan Martinez.

Compostage ou méthanisation

Si Les Alchimistes ont choisi de valoriser les biodéchets à travers le compostage, Moulinot Compost & Biogaz a changé de stratégie en 2019 et parié sur la méthanisation qui permet rapidement de traiter de gros volumes. A Bordeaux, la start-up a un partenariat avec Médoc Biogaz qui possède déjà deux méthaniseurs et en construit un troisième. La société, détenue par six agriculteurs, est entrée au capital de Moulinot Nouvelle-Aquitaine. Une façon de garantir les débouchés pour les 30.000 tonnes de biodéchets qui seront traités chaque année par le site que Moulinot construit à Eysines, près de Bordeaux.Dès lors, Moulinot Nouvelle-Aquitaine, qui gère déjà 220 points de collecte dans la métropole bordelaise, espère franchir un palier supplémentaire en remportant ce troisième appel d'offres. « L'objectif de la Métropole est de déployer 1.700 points de collecte en apport volontaire et ainsi offrir une solution à chaque habitant à moins de 300 mètres de chez lui. Un tel marché intéresse les grands acteurs du déchet, car celui qui l'emportera prendra d'emblée une position de leader sur le marché régional », explique Pierre Fleuri qui dirige l'activité de Moulinot et lui-même ancien de Suez.