Ils pensaient que leur régime était sauvé. Mais, dans la dernière ligne droite de la réforme de leur statut, les autoentrepreneurs remontent au créneau pour défendre à nouveau leur cause. Un amendement voté il y a quelques jours au Sénat à l'initiative d'une élue communiste et soutenu par le gouvernement les inquiète vivement. Cet amendement supprime un article datant de 1993 qui présumait qu'un entrepreneur était un travailleur indépendant. Un entrepreneur sera désormais présumé salarié, sauf à faire la preuve du contraire. L'objectif est de lutter contre le salariat déguisé. Certaines entreprises, notamment dans les métiers du conseil et de la communication, ont recours aux services d'autoentrepreneurs qui travaillent exclusivement pour elles. Cette dérive de l'autoentrepreneuriat, qui est pointée du doigt depuis la création du régime, est toutefois difficile à quantifier. Dans le projet de loi Pinel, qui redéfinit les contours de l'autoentrepreneuriat, rien ne figurait jusqu'à présent sur ce point précis.L'amendement vient donc répondre à un vrai problème, mais ce n'est pas la bonne réponse, considèrent les autoentrepreneurs. « Je suis tout à fait d'accord pour donner davantage de pouvoir à l'administration sociale pour sanctionner les entreprises qui font du salariat déguisé, mais pas en faisant de tout entrepreneur un salarié qui s'ignore », estime François Hurel, le président de l'Union des autoentrepreneurs. Ce dernier craint notamment que les donneurs d'ordre ne veuillent plus faire appel aux services d'autoentrepreneurs qui se lancent et qui n'ont pas d'autre client au départ, sous peine de voir leur contrat de prestation requalifié en contrat de travail. « On va fragiliser les autoentrepreneurs qui se lancent et qui forcément n'ont qu'un seul client au début », poursuit François Hurel. Le Medef partage cette position. Il craint, pour sa part, que cette mesure fasse des « dommages collatéraux sur les chiffres de la création d'entreprises », souligne Thibault Lanxade, responsable de son pôle création d'entreprises.Pour l'heure, le gouvernement ne semble pas s'émouvoir de ces alertes. Et si le texte devait être à nouveau modifié, il ne reste plus beaucoup d'occasions de le faire. L'urgence a en effet été déclarée sur ce projet de loi et une lecture a déjà eu lieu dans chaque Chambre. La commission mixte paritaire, qui doit se tenir durant la troisième semaine de mai, sera l'ultime chance de trouver un compromis.