Ce différend frontalier couve de longue date et a dégénéré jeudi en affrontements impliquant des avions de combat, des chars, des troupes au sol et l'artillerie. 

Un niveau de violence jamais vu depuis 2011, qui a conduit le Conseil de sécurité de l'ONU à se réunir d'urgence.

Samedi, le ministère de la Défense à Phnom Penh a affirmé que 13 personnes avaient été tuées et 71 autres blessées du côté cambodgien. La Thaïlande dénombre quant à elle 20 morts sur son sol, parmi lesquels six soldats.

- Tirs d'artillerie -

Au total, le bilan dépasse celui de la précédente série d'affrontements frontaliers majeurs entre les deux pays, qui avaient fait 28 morts entre 2008 et 2011.

Les heurts ont éclaté au niveau de temples vieux de plusieurs siècles, avant que les combats ne se propagent le long de la frontière, qui consiste notamment en une longue ligne de crête de collines recouvertes d'arbres, entourées de jungle et de cultures de caoutchouc, de riz et d'ail.

Les deux camps ont signalé des combats vers 05H00 (22H00 GMT vendredi) sur la côte. Phnom Penh a accusé les forces thaïlandaises d'avoir tiré "cinq obus d'artillerie lourde" en plusieurs endroits dans la province de Pursat, frontalière de la Thaïlande.

Des journalistes de l'AFP présents dans la ville cambodgienne de Samraong, près de la frontière, ont entendu des tirs d'artillerie samedi.

Un villageois thaïlandais réfugié à l'intérieur d'un abri joint au téléphone dans la province de Sisaket, à quelque 10 km de la frontière, a lui aussi évoqué le grondement des canons.

"Je veux juste que cela se termine le plus rapidement possible", a déclaré Sutian Phiewchan à l'AFP.

Les affrontements ont contraint plus de 138.000 personnes à évacuer les régions thaïlandaises adossées à la frontière, tandis qu'au Cambodge, plus de 35.000 personnes ont dû fuir leur domicile.

A l'issue de la réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l'ONU vendredi à New York, l'ambassadeur cambodgien aux Nations unies, Chhea Keo, a fait savoir que son pays souhaitait un cessez-le-feu.

"Le Cambodge a demandé un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et nous avons également appelé à un règlement pacifique du conflit", a-t-il dit à la presse.

- Différend frontalier -

Le ministre thaïlandais des Affaires étrangères Maris Sangiamposa a appelé samedi le Cambodge à faire preuve d'une "véritable sincérité pour mettre fin au conflit".

"J'exhorte le Cambodge à cesser de violer la souveraineté thaïlandaise" et à se tourner vers le "dialogue bipartite", a dit le ministre à la presse.

Vendredi, avant la réunion aux Nations unies, la Thaïlande avait dit laisser la porte ouverte à des négociations, avec la Malaisie comme possible intermédiaire.

Ce dernier pays préside actuellement l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), dont la Thaïlande et le Cambodge sont membres.

Les deux camps s'accusent d'avoir ouvert le feu en premier. La Thaïlande affirme que le Cambodge a ciblé des infrastructures civiles, dont un hôpital et une station-service, ce dont Phnom Penh s'est défendu.

Le Cambodge accuse pour sa part les forces thaïlandaises d'utiliser des armes à sous-munitions.

L'ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, une personnalité influente dans le royaume, s'est rendu samedi dans plusieurs abris pour y rencontrer des personnes évacuées.

"L'armée a besoin d'achever ses opérations avant que tout dialogue ne puisse avoir lieu", a lancé M. Thaksin devant la presse.

Ces combats constituent une escalade majeure dans le conflit entre le Cambodge et la Thaïlande au sujet de leur frontière commune de 800 kilomètres. Les deux Etats contestent son tracé, défini à l'époque de l'Indochine française.

Une décision de la Cour internationale de justice des Nations unies en 2013 a réglé le problème pendant plus d'une décennie mais la crise actuelle a éclaté en mai lorsqu'un soldat cambodgien a été tué au cours d'un échange nocturne de tirs dans la zone dite du "Triangle d'émeraude".

Les relations entre Bangkok et Phnom Penh se sont particulièrement détériorées le mois dernier lorsque l'ancien Premier ministre cambodgien Hun Sen a diffusé l'enregistrement de propos tenus par la cheffe du gouvernement thaïlandais d'alors, Paetongtarn Shinawatra, au sujet du différend frontalier.

Cette fuite a provoqué une crise politique en Thaïlande. Les propos de la responsable politique, par ailleurs fille de M. Thaksin, ont été interprétés comme un désaveu des généraux de Bangkok et ont conduit à sa suspension par la Cour constitutionnelle.