Obnubilés par leur volonté de gagner rapidement des parts de marché, certaines sociétés de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) se préparent des lendemains difficiles sur le plan social. Ces nouveaux concurrents des taxis, apparus en 2009, ont en effet un recours très large au statut d'autoentrepreneur, au risque de voir les litiges se multiplier à moyen terme, que ce soit avec l'administration ou avec les chauffeurs eux-mêmes.Chez les VTC, le CDI est une denrée rare. La société Voitures Jaunes, qui en avait fait sa norme, a dû déposer le bilan. Le schéma dominant est celui de chauffeurs indépendants, qui passent par les éditeurs d'application comme Allocab, Chauffeur-privé, LeCab ou encore Uber pour être mis en relation avec les clients (les VTC ne peuvent travailler, en théorie, que sur réservation préalable). En retour, l'éditeur se rémunère en prenant un pourcentage sur le montant de la course.Ce modèle présente plusieurs avantages pour les éditeurs d'application. Il fait tout d'abord supporter l'essentiel du risque économique aux chauffeurs. Mais il leur permet également d'augmenter très rapidement le nombre de véhicules affiliés à leur application (ce qui leur est indispensable pour répondre rapidement aux clients et accroître leur chiffre d'affaires) en limitant les investissements.Dans cette configuration, les chauffeurs choisissent le plus souvent d'être autoentrepreneurs, la formule la plus souple pour démarrer.Mais ce statut pose à terme deux problèmes. D'abord, il faut, pour en bénéficier, ne pas dépasser 32.900 euros de chiffre d'affaires sur l'année. « Dans les faits, beaucoup de chauffeurs explosent ce plafond », assure un professionnel. Avec le risque d'être rattrapé un jour par l'administration. « Beaucoup raisonnent à très court terme et ne se rendent pas compte des risques », admet un dirigeant du secteur.

Certaines sociétés conscientes de ces écueils

Par ailleurs, les éditeurs d'application pourraient voir un jour des chauffeurs réclamer devant les prud'hommes un contrat de travail, en arguant que leur statut d'autoentrepreneur n'est en fait que du salariat déguisé.Comme l'a souligné le député PS Thomas Thévenoud dans son récent rapport en rappelant la jurisprudence sur ce point, « le risque d'une requalification des contrats existe pour les entreprises mettant en relation des clients et des chauffeurs de taxi ou de VTC qui établiraient des liens de subordination avec leurs chauffeurs ». Et ce risque semble particulièrement sensible dans le cas des sociétés qui louent les véhicules aux chauffeurs, en contrepartie d'un seuil minimal d'activité imposé, ou avec un tarif dégressif selon le volume de courses.Certaines sociétés sont conscientes de ces écueils. Fondateur d'Allocab, Yanis Kianski, qui déclare avoir 30 % d'autoentrepreneurs sur les 3.000 chauffeurs enregistrés, dit encourager ceux-ci à travailler avec ses concurrents, « afin d'éviter le risque de requalification qui naîtrait d'une relation exclusive ».De son côté, le groupe Transdev, qui s'apprête à lancer une offre VTC, baptisée Green Tomato Cars, travaillera principalement avec des chauffeurs ayant le statut de travailleur indépendant. « S'associer sur des bases sécurisées est un gage de solidité de la relation avec le chauffeur et de qualité de service », fait valoir Paul de Rosen, responsable du transport à la demande chez Transdev.