Cette nouvelle crise inquiète d'autant plus que, pour une partie des entreprises françaises, la situation était tendue avant même la chute du gouvernement Barnier, comme le montre le baromètre annuel ARC-Ifop publié ce mardi : déjà, la quasi-totalité (94 %) des 501 entreprises de plus de 50 salariés interrogées entre fin septembre et fin octobre 2024 s'inquiétaient du ralentissement de l'activité, 52 % anticipant même une dégradation dans les six mois à venir.
Plus des deux tiers (70 %) estimaient aussi que le contexte économique dégradé allait provoquer une hausse du nombre de dépôts de bilan de leurs clients, ces derniers n'étant pas en mesure d'honorer leurs créances, selon 40 % d'entre elles.Record en passe d'être atteint
Alors qu'un nouveau record est en passe d'être atteint en 2024, « les dépôts de bilan ne devraient pas diminuer avant la fin du premier semestre 2025, voire la fin de l'année prochaine », estime Denis Le Bossé, le président du cabinet de recouvrement de créances ARC, inquiet de la montée des redressements judiciaires et des liquidations. A fin octobre, la Banque de France dénombre ainsi 64.650 défaillances d'entreprises sur douze mois, soit un bond de 21 % en un an. Si une partie s'explique toujours par des effets de rattrapage liés au Covid, la faiblesse de la demande pèse également. Des secteurs comme la construction ou le commerce de détail sont particulièrement touchés.
Dans le contexte d'incertitude qui s'est installé depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, les chefs d'entreprise sont devenus nettement plus pessimistes. Moins d'un sur cinq (18 %) envisage une croissance de leur chiffre d'affaires au cours des six prochains mois, soit 15 points de moins que dans l'enquête de 2023. Et près d'un quart (23 %) le voit reculer.Surtout, plus de deux tiers des sondés (69 %) estiment que les banques se désengagent vis-à-vis des PME et TPE qui n'ont pas encore remboursé leur prêt garanti par l'Etat (PGE) et près de la moitié pense que les assureurs-crédit vont également le faire.Dans ce contexte, 30 % des répondants constatent une détérioration des délais de paiement de leurs clients. Preuve de cette aggravation, à fin octobre 2024, le retard moyen a bondi à 17,5 jours en 2024 - soit un niveau qui n'avait pas été constaté depuis dix ans - contre 15 jours en 2023 et 12 jours en 2022, signe que leur trésorerie se tend.Trois à cinq ans pour effacer les chocs
Aujourd'hui, « la première préoccupation des entreprises est de sécuriser le cash pour faire face à leurs besoins de trésorerie et au manque de fonds propres », souligne le président du cabinet ARC.Entre le Covid, la flambée des prix de l'énergie et les taux d'intérêt élevés, les difficultés se sont accumulées depuis quatre ans. « Près de six entreprises sur dix considèrent qu'il faudra entre trois et cinq années pour effacer le choc des crises successives sur leur trésorerie », relève Denis Le Bossé. Pour autant, elles déclarent à 48 % refuser de répondre aux appels d'offres du secteur public, le comportement de mauvais payeur de l'Etat et des collectivités locales étant régulièrement pointé du doigt.Pour deux tiers d'entre elles, la proposition de Bruxelles de raccourcir les délais de paiement de 60 à 30 jours maximum ne réglera pas les problèmes. La fonction de médiateur des entreprises reste, quant à elle, encore largement méconnue : 62 % des sondés disent ne pas connaître son rôle.