Victoire ? « Il est vain d'espérer avoir une influence dans le monde avec une situation économique dégradée ». C'est la phrase clef au Quai d'Orsay pour expliquer le grand projet de diplomatie économique du numéro deux des gouvernements Ayrault puis Valls. Laurent Fabius qui clôture, aujourd'hui, la deuxième édition des « Rencontres Quai d'Orsay - entreprises 2014 », va devoir lever un coin du voile sur les contours de son superministère. L'ancien Premier ministre est sorti victorieux de son bras de fer avec Arnaud Montebourg en adjoignant au portefeuille de ministre des Affaires étrangères celui du Développement international recouvrant ainsi le commerce extérieur et le tourisme. Mais il reste encore des zones d'ombre.Cette intégration, assure-t-on cependant au Quai d'Orsay avant la publication des décrets d'attribution, vise avant tout à répondre à un souci de simplification et à un besoin de cohérence de la présence française à l'étranger. « Il n'est pas question de démanteler » la direction du commerce extérieur au Trésor « mais de travailler de manière encore plus directe et plus intime avec elle ». Et si jamais du personnel devait être intégré, cela serait fait d'une manière très progressive.En d'autres termes, ce rattachement vise à simplifier les relations entre le gouvernement et les entreprises exportatrices ainsi qu'avec les investisseurs étrangers, et de mieux coordonner l'ensemble de l'action à l'international comme d'ailleurs la fusion entre Ubifrance (soutien à l'exportation) et l'AFII (investissements internationaux). Mais elle a fait grincer des dents, notamment dans les rangs du syndicat majoritaire des agents du commerce extérieur (SPRIM), affilié à FO.

Neuf représentants spéciaux dans plusieurs pays

Au ministère des Affaires étrangères, on insiste sur le fait que la compétence commerciale du Quai d'Orsay existe depuis longtemps. La diplomatie économique faisait « partie du quotidien d'un ambassadeur ». Mais Laurent Fabius, depuis son arrivée au ministère des Affaires étrangères en mai 2012, en a fait une priorité absolue pour répondre à l'objectif de redressement de la France. Et les choses ont bougé, affirme un haut diplomate qui a perçu peu de réticence parmi les quelque 160 ambassadeurs bilatéraux. Désormais, chaque ambassadeur doit établir un plan d'action économique, six mois après son arrivée en poste, et s'entourer d'un « conseil économique » coordonnant les différents services de l'Etat et les entreprises sur place. « Même l'action culturelle doit rentrer dans ce cadre car elle contribue à l'attractivité de la France », à l'égal de la politique des visas ou encore de la science, insiste-t-on au Quai. « L'ambassadeur est perçu comme la seule personnes qui peut résoudre une situation lorsque tout semble perdu », affirme-t-on.Mais la plus grande nouveauté c'est vraisemblablement la décision de Laurent Fabius de nommer neuf représentants spéciaux dans plusieurs pays clefs ou régions (Algérie, Balkans, Brésil, Chine, EAU, Inde, Japon, Mexique, Russie) pour soutenir les entreprises. Et de l'autre côté de la chaîne, le chef de la diplomatie a nommé des ambassadeurs dans les régions françaises - six actuellement - placés sous une « direction des entreprises et de l'économie internationale » (DEEI), pour contacter directement les entreprises et leur faciliter la tâche à l'international.Dix-huit mois après le lancement de ce mécanisme, le bilan ne s'avère pas facile. « Il n'est pas possible de s'attribuer la signature d'un contrat à l'exportation ou un investissement car ce sont les entreprises qui les concluent et non pas des diplomates », affirme-t-on à la DEEI. D'autant que l'année 2013 n'a vu qu'une amélioration minime sur le front du commerce extérieur qui a affiché un déficit de 61 milliards d'euros et une détérioration des investissements directs étrangers. Mais c'est bien un ambassadeur en région qui a été très proche de parvenir à trouver un investisseur russe pour la reprise du terrain de la raffinerie de Petroplus. Malheureusement la crise en Crimée a tout remis en question. Ce qui prouve que politique étrangère et économie s'allient, souligne-t-on au Quai en rappelant que Laurent Fabius a pratiqué une « politique d'apaisement » dans les relations de la France avec des pays comme la Turquie, la Chine et le Mexique.