Les alertes lancées par le patronat ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds. Inquiets pour l'emploi, des députés de droite et des macronistes s'opposent au projet du gouvernement de Michel Barnier de diminuer et refondre les allègements de cotisations sociales bénéficiant aux entreprises.
La charge est notamment venue de l'ancien ministre du Budget, Thomas Cazenave, qui, avec d'autres députés Ensemble pour la République (EPR), propose de supprimer du budget le projet de l'exécutif sur les allègements de charges. Celui-ci pourrait « freiner l'embauche, mais aussi inciter certains employeurs à réduire leurs effectifs, voire à délocaliser leur activité pour rester compétitifs », assurent ces macronistes dans un amendement au projet budget de la Sécurité sociale discuté ce lundi en commission à l'Assemblée.
Des centaines de milliers d'emplois détruits
Clé de voûte de la politique de soutien à l'emploi, ces allègements ont vu leur coût exploser à 80 milliards d'euros sur fond d'augmentation du SMIC sur lesquels ils sont indexés.Soucieux de renflouer les caisses de la « Sécu » de 5 milliards d'euros mais voulant aussi éviter que les entreprises laissent leurs salariés durablement au SMIC, le gouvernement a proposé de revoir en profondeur ce système d'exonérations entre 2025 et 2026. « Ces allègements, outre leur coût pour les contribuables, encouragent les trappes à bas salaire en gelant pour partie les hausses de rémunération », a justifié une nouvelle fois Michel Barnier dimanche au « JDD ».In fine, le coût du travail augmenterait pour les salaires les plus bas et les relativement élevés. En revanche, il baisserait pour les rémunérations intermédiaires (entre 1,3 et 1,8 SMIC) afin d'encourager les employeurs à mieux payer leurs salariés. Cependant, aux dires du patronat, cette politique se solderait par des « centaines de milliers » d'emplois détruits à l'heure où les signaux d'alerte se multiplient sur la santé de l'économie française.
Ces craintes sont partagées par la Droite républicaine (ex-Les Républicains). Arguant que « les entreprises de services ne pourront pas répercuter cette nouvelle hausse du coût du travail dans leurs prix » et que le projet de l'exécutif va « casser la dynamique de création d'emplois et donc accroître le chômage », plusieurs d'entre eux ont déposé des amendements pour maintenir le statu quo. Des députés du RN ont fait de même. Une épine dans le pied du gouvernement qui risque de peiner à trouver des alternatives pour son plan de renflouement des finances publiques. Et qui a besoin du soutien des groupes du « bloc central » pour appuyer sa stratégie.
Toute la difficulté pour l'exécutif est de faire approuver une réforme qui revient à augmenter les prélèvements obligatoires. Il prétend qu'il s'agit de baisser des « aides aux entreprises » mais l'argument a peu de chances de convaincre la droite et les macronistes qui plaident pour remettre les comptes de la nation à flot, à coups d'économies plutôt que de hausses d'impôts.Ironie de l'histoire, ce sont les macronistes qui avaient mis la question des allègements sur la table en demandant aux économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer de se pencher dessus. Et avant la dissolution, le Premier ministre Gabriel Attal planchait même sur un (nouveau) coup de rabot.
Certains macronistes se montrent d'ailleurs prêts à modifier les allègements de charges dans « un objectif de progressions salariales, en continuant à soutenir l'emploi ». Les salaires moyens seraient davantage aidés, quitte à revenir sur des exonérations pour les rémunérations les plus élevées. « Nous sommes ouverts à des réformes si c'est pour soutenir la désmicardisation, mais nous refusons toute hausse du coût global du travail qui est un contresens économique et social absolu », explique aux « Echos » le député David Amiel (EPR). Pour raboter les allègements, le gouvernement devrait trouver un appui auprès des centristes. Ceux-ci ont déposé un amendement pour aller plus loin que l'exécutif, en abaissant le seuil maximal d'exonération à 2,1 SMIC (contre 3 SMIC proposés par l'exécutif), ce qui pourrait dégager 8 milliards d'euros. Pour le groupe des Démocrates, l'enjeu primordial est de ne pas transmettre « des comptes sociaux fortement déficitaires » aux générations futures.Un rabot est aussi défendu à gauche. Les socialistes ont déposé plusieurs amendements poussant plus loin les curseurs afin de revenir sur les exonérations en prévoyant, par exemple, de ne les accorder que jusqu'à 2,5 SMIC, voire 2 SMIC. De nombreuses « études économiques démontrent l'inefficacité de toute exonération de cotisations sociales au-delà d'un certain niveau de salaire », relèvent-ils. Dans cette veine, le groupe LFI propose de limiter les allègements généraux aux salaires jusqu'à 2 fois le SMIC, déplorant que les exonérations ne soient « soumises à aucune contrepartie ».