Le chef du parti majoritaire qui contredit un ministre, c'est suffisamment rare pour constituer un (petit) événement. Hier, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a déclaré sur RTL que son parti ne soutient « pas du tout » la proposition du ministre du Travail, François Rebsamen, de suspendre pendant trois ans les seuils sociaux. C'est-à-dire les obligations qui s'imposent aux entreprises passant de 9 à 10 salariés, et de 49 à 50. « Nous avions pris position, en son temps, assez sévèrement contre ce dispositif porté par Nicolas Sarkozy », a asséné Jean-Christophe Cambadélis, parlant d' « expériences approximatives ». Et d'ajouter : « Je souhaiterais que cela ne se fasse pas. » Au ministère de Travail, on n'a bien sûr pas apprécié de se faire ainsi « épingler » : « On n'a pas besoin de cette déclaration pour penser à la protection des droits des salariés. »

Question de méthode et de timing

Malgré tout, l'entourage de François Rebsamen dédramatise : « Cambadélis est dans son rôle - politique - de premier secrétaire du PS et c'est le rôle du ministre du Travail de susciter du dialogue sur des sujets qui permettent de créer des emplois. » Et pour cause : si l'idée de suspendre les seuils sociaux est approuvée à l'Elysée, la méthode et le timing du ministre ont été jugés « assez maladroits ». Ce n'est pas la première fois que François Rebsamen défend cette proposition mais il l'a réitérée la semaine dernière à quelques jours du congrès de la CFDT.La centrale réformiste l'a d'ailleurs jugée « incongrue » et la CGT l'a qualifiée de « bêtise ». « Et c'est un sujet qui relève de la négociation entre partenaires sociaux », abonde un ministre qui, par ailleurs, juge « plutôt bien que le parti exprime clairement des souhaits ». « Il vaut mieux des dirigeants marquants, quitte à se frotter, que l'inexistence ». L'existence du PS et de son premier secrétaire, c'est d'ailleurs tout l'objet de la passe d'armes d'hier. Jean-Christophe Cambadélis qui connaît ses classiques sait que, sous Lionel Jospin, le premier secrétaire François Hollande s'était affirmé comme une pièce maîtresse du dispositif lorsqu'il a gagné des arbitrages (fiscaux) aux dépens des ministres Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius.L'exercice nécessite, cela dit, un peu de subtilité. Harlem Désir s'y était fracassé en contredisant le chef de l'Etat sur l'affaire Leonarda. Et Jean-Christophe Cambadélis sait que sa première tentative - lancer une campagne pour le droit de vote des étrangers - a été mal vécue à l'Elysée. En ciblant les seuils sociaux, il prend moins de risques : il peut faire valoir l'hostilité des syndicats et la nécessité de rassurer l'aile gauche du PS. Et puis, François Rebsamen a beau être un « hollandais », il a aussi longtemps été un ennemi de Manuel Valls. Pas kamikaze, le numéro un du PS a agi tout autrement avec un autre ami du président, Michel Sapin : les revendications du PS sur le collectif budgétaire correspondent, grosso modo à ce que Bercy est prêt à accorder.