Il y a un an exactement, Pierre Lescure remettait à François Hollande et à Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, son rapport sur l'« acte II de l'exception culturelle », fruit de huit mois de travail. Les préconisations de l'ancien patron de Canal+ et futur président du Festival de Cannes, et notamment la plus symbolique d'entre elles, le transfert de l'Hadopi au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), ont depuis été intégrées dans un grand projet de loi baptisé « Création ». Mais, à force de tergiversations sur un sujet aussi sensible que compliqué (sur le plan technique, juridique, mais aussi politique), l'existence même de ce texte législatif est menacée. « La machine est grippée. Elle va redémarrer mais on ne sait pas quand ni comment », explique un bon connaisseur du dossier.Les origines de ce blocage sont multiples : texte final long à rédiger (il compte pas loin de 90 articles), manque de volonté politique, changement de gouvernement, craintes de frondes parlementaires.... Au ministère de la Culture et de la Communication, on assure que les discussions interministérielles vont débuter et on espère que le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres d'ici à la fin de l'année. Avant cette échéance, il doit encore passer devant le Conseil d'Etat, le CSA, ou encore l'Arcep (le gendarme des télécoms). Mais la longueur du texte et l'embouteillage au Parlement refroidissent les ardeurs et rendent ce calendrier de plus en plus théorique.
Blocage sur l'Hadopi
Une autre histoire est ainsi en train de s'écrire : celle d'un « plan B », qui consisterait à démanteler purement et simplement le projet de loi Création et à répartir les différents sujets qui le composent (numérique, spectacle vivant, arts plastiques, éducation artistique) dans d'autres véhicules législatifs. Selon plusieurs sources, ce scénario tiendrait de plus en plus la corde. Les dispositions concernant le spectacle vivant ou les arts plastiques pourraient alors avoir leur texte de loi spécifique, comme le prévoyait le schéma initial. D'autres dispositions pourraient intégrer la loi numérique en préparation, qui devrait voir le jour début 2015.Mais il reste un écueil, et il est de taille : l'avenir de l'Hadopi. La haute autorité chargée, entre autres, de lutter contre la piraterie sur Internet, concentre sur elle beaucoup de crispations. Sa disparition est une promesse de campagne présidentielle. En juillet dernier, Aurélie Filippetti a supprimé la sanction consistant à couper l'accès à Internet, mesure très symbolique même si elle n'a jamais été appliquée. La « riposte graduée » de l'Hadopi, via l'envoi de messages d'avertissement aux internautes, doit en revanche perdurer avec le transfert de l'Hadopi au CSA, comme l'a promis François Hollande aux milieux de la culture. Mais, sans réelle surprise, ce transfert s'avère complexe et rien ne permet de dire avec certitude qu'il se concrétisera.A l'automne, le sénateur Pierre Assouline, dans un amendement déposé à l'occasion de l'examen de la loi audiovisuelle, a tenté de passer en force sur la question. Mais, devant l'émotion suscitée, le sénateur l'a retiré, plusieurs parlementaires estimant que le débat aurait été escamoté. A l'heure où sa majorité est fragile au Parlement, le gouvernement, qui évoque un sujet « compliqué sur le plan politique », craint la réaction de certains députés. Certains font ouvertement part de leur opposition au projet de transfert de l'Hadopi au CSA. De là à ce que l'Hadopi vive plus longtemps que prévu...