Hausse des salaires, blocage des prix de certains biens et même baisse des tarifs pour l'énergie… Les candidats aux élections législatives rivalisent de propositions pour doper le pouvoir d'achat. Après deux ans et demi de crise inflationniste, le sujet reste en tête des préoccupations des Français. Ces derniers peinent à croire les instituts de conjoncture qui assurent que le pouvoir d'achat a résisté dans le pays et même qu'ils ont été mieux protégés que leurs voisins européens. Et pour cause. Les moyennes masquent de grandes disparités de situations face au choc des prix.

« Sur le plan macroéconomique, il n'y a pas eu de perte de pouvoir d'achat entre 2021 et 2023. Mais quand on regarde dans le détail, il y a eu des gagnants et des perdants », confirme Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Et ceux qui vivent de leur salaire font partie de cette seconde catégorie, contrairement à ceux qui ont pu compter sur des revenus tirés de leur patrimoine.

Manque à gagner

De fait, les augmentations consenties par les entreprises n'ont pas compensé la hausse des prix sur la période, exception faite de ceux rémunérés au SMIC, protégés par l'indexation automatique de leur salaire. « Entre 2021 et 2023, le salaire mensuel de base a progressé de 8 % alors que l'inflation a atteint 12,5 % sur la période. Les salaires réels ont donc perdu 4,5 % », rappelle Eric Heyer. Malgré le versement de la prime de partage de la valeur, « les salaires réels ont dégradé le pouvoir d'achat à hauteur de 110 euros en moyenne par an » sur la période, selon l'OFCE. Face à ce constat, le Rassemblement national, le Nouveau Front populaire et le camp présidentiel ont tous cherché à rectifier le tir : « L'idée est que le travail doit mieux payer », résume Eric Heyer. Mais les voies pour y parvenir diffèrent.

La majorité actuelle mise sur le relèvement à 10.000 euros du plafond de la prime de partage de la valeur ajoutée - un élément « flexible » de la rémunération - et sur une réforme des allègements de charges qui inciterait les entreprises à augmenter les salaires. A ce stade, le RN propose une baisse de TVA sur les produits énergétiques et des exonérations sociales en cas de hausse de 10 % des salaires. Quant à l'alliance des gauches, « son objectif est de redistribuer le pouvoir d'achat », selon Eric Heyer. D'un côté, le SMIC et le point d'indice des fonctionnaires seraient fortement revalorisés et le programme serait financé par des hausses d'impôts.

Dans une note publiée mardi, la Fondation Jean-Jaurès souligne que cette préoccupation a plus ou moins suivi l'évolution de l'inflation. Celle-ci a certes entamé sa décrue, mais « les Français continuent d'en pâtir », souligne le think tank. Citant une étude menée par BVA Xsight et ses partenaires dans 39 pays, il note que seuls 26 % des Français déclarent vivre confortablement sur le plan financier, contre 32 % pour la moyenne des Européens.En soutenant le pouvoir d'achat, les deux blocs d'opposition espèrent provoquer un choc de demande, qui stimulera la croissance. « C'est une approche du passé. Le problème de la France n'est pas un problème de demande. Ce dont elle souffre, c'est de ne pas disposer d'une offre compétitive suffisante, ce qui se traduit déjà par un solde commercial structurellement déficitaire », met en garde Gilbert Cette, professeur à Neoma Business School.

A court terme, cette politique devrait certes soutenir la consommation. Mais des effets négatifs sont prévisibles. Le premier pourrait être un bond des importations (la relance domestique profitant classiquement à nos partenaires). De plus, cette politique pourrait être inflationniste. La proposition du Nouveau Front populaire de porter le SMIC à 1.600 euros net aurait notamment un impact de 0,4 point sur l'indice des prix la première année, selon les calculs d'Eric Heyer.