C'est peu dire que le patronat attend anxieusement les décisions de Michel Barnier sur la fiscalité. La sortie du Premier ministre sur la situation budgétaire « très grave » de la France, conjuguée à son intention sibylline de « ne pas s'interdire plus de justice fiscale » donne des sueurs froides aux chefs d'entreprise.Chouchoutés depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, les patrons sont légitimement inquiets de voir la situation s'inverser, les impôts des entreprises remonter et les aides se tarir. Les milieux patronaux se sont félicités de lire, à la fin du communiqué de Michel Barnier mercredi matin, que « nous sommes déjà le pays où la charge des impôts est la plus forte ». Mais ils aimeraient avoir plus de garanties sur la stabilité et la visibilité du cadre fiscal.

Priorité à l'équation politique

« Les finances du pays sont dans un état catastrophique, mais il ne faut pas se tromper de cible. Nous avons un tel niveau de fiscalité qu'il est impératif d'agir avant tout sur les dépenses », assène François Asselin, le président de la CPME. Le représentant patronal pensait plaider sa cause à Matignon mercredi soir -ses homologues du Medef et de l'U2P ayant été reçus respectivement mardi soir et mercredi après-midi par Jérôme Fournel, le directeur de cabinet de Michel Barnier et ex-directeur de cabinet de Bruno Le Maire à Bercy. Mais le rendez-vous de François Asselin a été reporté in extremis au début de la semaine prochaine.

Priorité semble donnée aux discussions politiques, alors que Michel Barnier peine à constituer une équipe gouvernementale.En toute logique, le Premier ministre ne peut pas prendre de grandes décisions sans avoir au préalable résolu cette délicate équation politique. Cela transpire dans les discussions avec les acteurs économiques. « Nous avons été plutôt rassurés. Le gouvernement n'a pas l'intention de taper sur les entreprises, même s'il n'a pas dit qu'il ne le ferait pas. Il n'y a pas d'arbitrages rendus ou de pistes privilégiées », résume Michel Picon, le président de l'U2P.

La fin des baisses d'impôts paraît certes actée. Les patrons ont notamment compris que la messe était dite sur la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Cet impôt de production a vu son taux baisser depuis 2020 de 1,5 à 0,28 % et devait s'éteindre par palier d'ici à 2027. Il n'en sera probablement rien.

Mais le jeu reste très ouvert sur d'éventuelles hausses de fiscalité. Matignon aurait ainsi assuré qu'aucune décision n'est prise à ce stade concernant un relèvement de l'impôt sur les sociétés, une piste au rendement pourtant très tentant.

En revanche, les aides aux entreprises sont dans le viseur. C'est ce qu'ont compris plusieurs patrons à l'issue des premiers entretiens avec Matignon. Le soutien à l'apprentissage pourrait être raboté, en excluant les plus grandes entreprises et les niveaux d'études les plus élevés. Le crédit impôt recherche pourrait aussi faire l'objet d'un toilettage. « A l'échelle de ce qu'il faut faire, c'est du bricolage », balaie cependant François Asselin.