Deux absences, un blâme: reprogrammé après une premier rendez-vous manqué le 14 mai, M. Stérin a de nouveau séché une convocation au Parlement.

"Nous constatons ce matin qu'il n'est pas parmi nous", a déclaré Thomas Cazenave, président de cette commission d'enquête. "Il est par contre sur les chaînes de télévision, semble-t-il", a ajouté l'élu Renaissance.

L'intéressé, qui réside en Belgique, était en effet intervenu un peu plus tôt sur Cnews, en visio depuis son domicile, affirmant entre autres que sa convocation n'était qu'un "prétexte" pour des députés qui "ont juste envie de faire les marioles devant les caméras".

L'homme d'affaires conservateur, devenu milliardaire avec son entreprise de coffrets cadeaux Smartbox, était censé s'expliquer sur son activisme politique, lui qui s'était dit prêt à dépenser 150 millions sur dix ans (via son fonds d'investissement Otium Capital) pour influer sur le débat public et soutenir des candidats aux élections.

Avec pour objectif de faire triompher les droites sur une ligne libérale en économie, conservatrice sur les sujets de société et ferme sur le régalien. 

Une ambition baptisée "projet Périclès", référence à l'antique stratège athénien, mais surtout acronyme sans équivoque de "Patriotes Enracinés Résistants Identitaires Chrétiens Libéraux Européens Souverainistes".

Chargé de ce grand dessein, son bras droit Arnaud Rérolle avait témoigné début mai devant la commission d'enquête, et présenté l'entreprise comme "une pépinière de projets métapolitiques", mêlant "médias" et "cercles de réflexion" afin de "produire", "diffuser" et "promouvoir des idées dans l'espace public".

Audition d'ailleurs invoquée par M. Stérin pour justifier son attitude: "Je n'ai pas envie de me déplacer pour répondre à quelques questions auxquelles mon associé a par ailleurs déjà répondu".

- "Au-dessus des lois" -

Un argument qui s'ajoute à celui, déjà utilisé comme excuse la semaine dernière, des "dizaines de menaces de mort" qu'il dit avoir reçues - et pour lesquelles il a déposé lundi une plainte contre X au tribunal judiciaire de Paris, a appris l'AFP mardi auprès de son avocat.

Le ministère de l'Intérieur lui a même "confirmé (que) ces menaces étaient sérieuses et imminentes", a-t-il insisté sur Cnews. Raison pour laquelle il avait encore réclamé lundi dans un communiqué à être auditionné en visio.

Motif "ridicule", a réagi sur X la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, rappelant qu'elle-même se rend au Palais Bourbon "chaque jour malgré les menaces" dont elle fait l'objet.

"Respectez vos obligations, respectez l'Assemblée nationale et son travail de contrôle, respectez les Français", a-t-elle enjoint au milliardaire, soulignant à quel point son refus de répondre à la convocation était "grave".

D'autant plus que le ministère de l'Intérieur "était prêt à assurer sa sécurité", a rétorqué M. Cazenave, déplorant que l'homme d'affaires n'ait pas changé de position malgré ces "garanties".

En conséquence, le président de la commission a annoncé qu'il "adresserait dès cet après-midi un courrier au procureur de la République de Paris pour constater le fait qu'il ne respecte pas les obligations qui lui sont faites".

En l'occurrence, le refus de comparaître devant une commission d'enquête est passible de deux ans d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende.

"Rien ne justifie que M. Stérin se place au-dessus des lois de la République. Rien ne justifie que M. Stérin méprise l'Assemblée nationale et ses représentants", a insisté M. Cazenave.

A ses côtés, le rapporteur LFI de la commission d'enquête Antoine Léaument a estimé que le milliardaire "essaie de jouer la montre, puisqu'il sait que cette commission d'enquête est bornée dans le temps". De fait, son rapport doit être approuvé le 28 mai.

"Il cherche à se dérober à ses obligations", a poursuivi l'élu insoumis, considérant que "ceux qui portent un projet politique (ont) le devoir de se rendre dans l'arène".