2023 a été une année blanche pour le marché du bio. Si le recul des ventes a été stoppé, en revanche, la situation reste fragile. Avec seulement 5 millions d'euros d'activités en plus, le chiffre d'affaires du secteur s'est stabilisé à 12 milliards (contre - 4,6 % en 2022). En volume, en revanche, pas de reprise en vue, avec une chute de 7 % des achats dans un contexte de déconsommation générale.

Dans les assiettes, la part des produits biologiques est passée sous la barre des 6 %, alors qu'elle est le double dans d'autres pays européens. Seuls signes positifs, les magasins spécialisés ont vu leurs ventes repartir de 2,2 % en 2023. Biocoop avait vu en début d'année un retour « des clients occasionnels, les militants étant restés fidèles ». La vente directe à la ferme, elle, cartonne, avec un bond de 8,7 %, les Français allant directement s'approvisionner chez les producteurs. Mais ces deux réseaux ne pèsent que 42 % du marché.

Loin de la grande distribution, qui représente encore la moitié des débouchés, avec des ventes de nouveau en recul en 2023 (- 3,8 %). Et ce même si l'inflation a été moins forte dans le secteur, selon l'Agence Bio, avec des prix en hausse de 8 %, contre 12 % pour les produits conventionnels. Ce qui réduit les écarts. L'an dernier, une nouvelle fois, les enseignes ont supprimé des références, à hauteur de 10 %, au profit notamment de leurs marques distributeurs, plébiscitées par les consommateurs.

Diversifier les débouchés

« L'enjeu est de diversifier les débouchés qui dépendent à 91 % de la consommation à domicile, et de réduire la dépendance à la grande distribution, souligne Laure Verdeau, la directrice de l'Agence Bio. Il faut diversifier les risques. » Aujourd'hui, les cantines, où la part du bio est en baisse, comme les restaurants, où il y a eu un maintien, ne pèsent que 9 % des achats. Pizzerias, traiteurs, glaciers font partie des cibles à séduire. « Il n'y a pas de fatalité à cette crise de la consommation, quand on voit que l'Allemagne a réussi à relancer les ventes du bio de 5 % », estime Jérémy Ditner, producteur dans le Grand Est. Le résultat « d'une union sacrée » entre Lidll et Aldi avec la filière locale.Cette panne de croissance a un lourd effet sur la production. La FNSEA a demandé de freiner les installations pour rééquilibrer offre et demande. Aujourd'hui, près de 30 % du lait bio serait déclassé. Le nombre de conversions a ainsi chuté de 30 % (après 40 % en 2022). « Le réservoir de croissance pour l'avenir se réduit, alerte Laure Verdeau. Le taux de surfaces en conversion est de 11 %, le niveau le plus bas depuis 2013. »Conséquences, la France a perdu du terrain, avec un recul de 54.000 hectares de production bio (- 2 %). Une menace sur la production qui a conduit jeudi le gouvernement à rehausser de 15 millions les aides aux agriculteurs bio en difficulté.

L'enveloppe atteint désormais 105 millions d'euros, « afin de couvrir la totalité des demandes », a indiqué le ministère de l'Agriculture. Pour l'instant, malgré une vague de déconversions (5 % de sortants), le solde avec les arrivées reste positif, avec 61.000 fermes en bio. « Nous avons plus de producteurs sur de plus petites surfaces, poursuit la responsable de l'Agence Bio. Nous avons perdu surtout des cultures fourragères et des grandes cultures, à cause du recul des cheptels, mais nous avons gagné de petits maraîchers et de petits vignerons. »

Le champagne se met au bio

En Champagne, le bio représente 8 % des vignobles. « Encore confidentielle il y a peu, cette filière champenoise a connu un gigantesque bond, avec une surface bio qui a plus que quintuplé ces cinq dernières années », se réjouit Jérôme Bourgeois, président de l'Association des producteurs bio. 649 domaines se sont engagés.« Alors que les ventes de champagne s'essoufflent, nous continuons de progresser, avec 60 % des ventes à l'export, poursuit le viticulteur. Le prestige de notre appellation et ses capacités d'investissement doivent conduire le champagne à être une tête de pont du secteur ». Pour augmenter cette certification, l'interprofession a mis en place une réserve individuelle qui permet aux vignerons, en cas d'aléas, de compenser une année déficitaire en gardant une année de récolte en réserve.