Avec près de 15,3 millions de visiteurs attendus, les Jeux Olympiques de Paris, dans à peine six mois, promettent d'être « the place to be », selon la formule de Bruno Le Maire. Le 11 janvier, lors du sommet Destination France, le ministre de l'Economie et des Finances a exhorté les professionnels du tourisme à capitaliser sur les grands événements de 2024, à commencer par cette manifestation sportive planétaire.

Reste pourtant à savoir dans quelle mesure « l'effet JO » se diffusera dans la capitale. La première interrogation concerne « l'effet repoussoir » induit par la compétition. En clair : le nombre de voyageurs qui auraient souhaité se rendre à Paris, mais qui ne le feront pas pour éviter le tumulte et les prix élevés pendant la période. « Il est très difficile de mesurer les effets sur le tourisme mais on a l'expérience des précédentes éditions. On peut escompter un bénéfice à long terme, mais il y aura sans doute un effet négatif sur 2024 », estime Jean-François Rial, ex-président de l'office du tourisme de Paris, qui vient de quitter ses fonctions.

La moitié de Franciliens

Lors des Jeux de Londres, en 2012, une baisse de 20 % à 30 % des touristes habituels avait ainsi été constatée. Elle n'avait été que partiellement compensée par les officiels et les spectateurs, une grande partie d'entre eux résidant dans la capitale britannique ou dans ses environs. L'histoire pourrait bien se répéter à Paris, puisque les millions de visiteurs attendus par l'office du tourisme seront composés à 90 % de Français, et à 52 % de Franciliens.

Certes, les préréservations sont au plus haut dans les hôtels parisiens, y compris avant et après les Jeux, grâce à l'écosystème JO (délégations, officiels, journalistes, sponsors). Tout comme les prix des chambres, qui grimpent mécaniquement lors de chaque grand événement. Mais les risques d'annulations rendent très incertaine la performance finale des établissements. A Londres, « les prix très élevés de la période avaient finalement été accompagnés de taux d'occupation plus faibles qu'à l'accoutumée […] et les prix avaient été fortement rabaissés juste avant le début des épreuves, face à l'absence de clients habituels », souligne une récente étude du cabinet MKG. 

Sauf surprise, la période des Jeux devrait être globalement positive pour le secteur hôtelier. Mais dans les restaurants, la baisse du nombre de visiteurs habituels fait craindre une perte de chiffre d'affaires. « Ils seront quantitativement remplacés par les officiels et les spectateurs, mais ceux-là sont moins enclins à dépenser dans les restaurants, à aller voir des concerts, à aller au musée. Et on ne pourra pas vraiment compter sur les Parisiens, dont une partie va déserter la ville », résume un restaurateur.

Les périmètres de sécurité mis en place pendant les Jeux ajoutent des contraintes (livraisons de nuit, accès plus compliqué pour les clients) et « certains s'interrogent sur le fait d'ouvrir ou non pendant la compétition », assure Franck Trouet, délégué général du Groupement des hôtelleries et restaurations de France. En outre, beaucoup de dépenses des spectateurs échapperont aux commerces parisiens, puisque les zones autour des sites olympiques seront quadrillées par des points de vente contrôlés par les partenaires des Jeux.

Vitrine

Pour limiter ce potentiel effet négatif, les auteurs d'un rapport parlementaire, paru l'été dernier, recommandent d'aiguiller les « touristes olympiques » vers les nombreux points d'intérêt qu'offrent Paris et ses alentours. Et appellent à « renforcer la coordination entre les acteurs du tourisme francilien afin d'élaborer une stratégie de communication et d'accueil commune ».

Malgré tout, les retombées touristiques des Jeux ne devraient pas se limiter à l'été 2024. L'« effet repoussoir » se traduira par un report des voyages après la compétition, tandis que la surmédiatisation de l'événement devrait bénéficier à la Paris, déjà la première destination touristique mondiale. Les images de la ville seront diffusées à travers toute la planète. Un milliard de téléspectateurs pourraient ainsi regarder la cérémonie d'ouverture sur la Seine, constituant une vitrine sans précédent pour la capitale. « Aujourd'hui, les touristes américains privilégient Rome, Londres ou Paris. Après les JO, la France pourrait prendre nettement l'ascendant », estime un professionnel de l'hôtellerie qui s'attend à une activité « très soutenue jusqu'à la fin 2024 et, même, en 2025 ». A Londres, les années ayant suivi les Jeux ont été marquées par une augmentation du nombre de dépenses, sans que l'on puisse mesurer précisément l'influence de l'événement sur ce phénomène.

En 2016, une étude menée par le Centre de droit et d'économie du sport avait situé les retombées pour le secteur dans une fourchette de 1,4 milliard à 3,5 milliards d'euros. Depuis, divers organismes spécialisés (Atout France, Alliance France Tourisme) restent prudents, jugeant qu'il est encore trop tôt pour livrer une estimation plus fine.