L'économie mondiale est engluée dans une croissance faible qui se conjugue avec des pressions inflationnistes persistantes. En publiant mardi ses nouvelles prévisions, le Fonds monétaire international (FMI) évoque bien un environnement « collant » comme le sparadrap dont le capitaine Haddock a du mal à se défaire.

Pour l'institution multilatérale, « l'inflation des prix des services freine les progrès en matière de désinflation », ce qui retarde l'assouplissement des politiques monétaire. Si la Banque centrale européenne a déjà opéré une première baisse de ses taux directeurs, tel n'est pas le cas de la Réserve fédérale. Les bons chiffres de l'inflation de juin (3 %, après 3,3 % en mai) demandent à être confirmés dans les prochains mois avant que la Réserve fédérale puisse assouplir sa politique, estime-t-on au FMI.

Il reste que « les risques à la hausse pesant sur l'inflation se sont accrus ». La perspective d'avoir des taux d'intérêt « plus élevés pendant encore plus longtemps » est réelle.

La dynamique des salaires

Globalement, la persistance d'une inflation des prix des services supérieure à la moyenne n'est pas compensée par une désinflation plus forte des prix des biens. Pour 2024, le FMI prévoit ainsi une inflation globale de 5,9 %, avant d'assister l'an prochain à un reflux à 4,4 %. Les objectifs des banques centrales ne sont donc pas atteints. Les tensions observées dans les services sont liées à la fois à la fixation des salaires et des prix, la main-d'oeuvre représentant une part importante des coûts dans ce secteur. La croissance des salaires nominaux reste supérieure à l'inflation dans certains pays, reflétant les négociations salariales du début de l'année.

Si ces revalorisations salariales s'accompagnent d'une faible productivité, « les entreprises auront des difficultés à modérer les hausses de prix, en particulier lorsque les marges bénéficiaires sont déjà réduites », détaille le FMI. Et l'inflation pourrait rester élevée. « C'est un risque significatif pour notre scénario d'atterrissage en douceur de l'économie mondiale », a indiqué Pierre-Olivier Gourinchas, le chef économiste du FMI. A ce phénomène s'ajoute l'escalade des tensions commerciales. La fragmentation et les mesures protectionnistes prises unilatéralement pourraient encore accroître les risques d'inflation à court terme en augmentant le coût des biens importés tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Les grandes banques centrales n'ont donc pas une grande marge de manoeuvre.

Côté croissance du PIB mondial, le FMI a maintenu sa prévision à 3,2 % cette année et relevé d'un dixième de point celle de 2025 (3,3 %) par rapport à ses anticipations d'avril dernier. Aux Etats-Unis, la hausse du PIB devrait s'établir à 2,6 % cette année puis seulement 1,9 % en 2025. Dans la zone euro, une légère reprise (0,9 %) est attendue en 2024 puis 1,5 % en 2025. « Les faiblesses persistantes du secteur manufacturier suggèrent une reprise plus lente dans des pays comme l'Allemagne », souligne le Fonds monétaire. Dans les pays émergents, la Chine devrait croître de 5 % cette année mais la hausse du PIB devrait décélérer pour atteindre seulement 3,3 % en 2029 en raison du vieillissement démographique et du ralentissement des gains de productivité.

Alerte sur les finances publiques

Compte tenu de cet environnement de faible croissance, l'institution multilatérale s'inquiète également de l'environnement budgétaire et de l'endettement public. « Les défis budgétaires doivent être plus directement attaqués », a insisté Pierre-Olivier Gourinchas. Les Etats-Unis sont visés directement. Il s'agit d'un pays « au plein-emploi, qui maintient une politique budgétaire faisant grimper régulièrement son ratio dette/PIB, avec des risques pour l'économie nationale et mondiale », a poursuivi le Français.Sans compter qu'il existe un « risque de changements importants dans la politique économique à la suite des élections de cette année, avec des retombées négatives sur le reste du monde », juge le Fonds. De nouvelles dépenses publiques non maîtrisées alourdiront la dette, poussant à la hausse les taux d'intérêt. C'est le cas de la France, où la croissance sera de 0,9 % cette année et 1,3 % en 2025. « Il est important de rassurer les marchés mais aussi de recréer des marges de manoeuvre » pour « pouvoir engager des dépenses dans de nouveaux chantiers, que ce soit la défense ou le climat », a déclaré le chef économiste du FMI.