YouTube, Dailymotion et Deezer bientôt sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ? L'hypothèse pourrait bien devenir réalité, au moins en partie. Olivier Schrameck, le président de l'autorité de régulation de l'audiovisuel, y travaille depuis plusieurs mois. Dans le bilan annuel du CSA, rendu public ce matin, il formule plusieurs propositions de modifications législatives allant dans ce sens. Objectif : profiter de la loi création, qui doit être présentée en Conseil des ministres, avant l'été, pour faire passer ces mesures. Naturellement, il revient aux pouvoirs publics d'élaborer la loi, le CSA ne pouvant émettre que des souhaits.Cette loi doit donner au CSA les pouvoirs de la défunte Hadopi, mais Olivier Schrameck aimerait aller bien au-delà. D'abord en étendant ses pouvoirs de régulation à tous les acteurs proposant des contenus audiovisuels et musicaux sur le Web : des plates-formes d'échanges communautaires aux magasins d'applications mobiles. Il faut pour cela introduire dans la loi la notion de « services audiovisuels numériques ». « La mission d'un régulateur est de prendre en compte un environnement dans sa complétude. Si on en oublie un aspect, on manque à notre mission », estime Olivier Schrameck.

Distorsion de concurrence

Aujourd'hui, la loi impose aux médias traditionnels que sont TF1, M6 et autres Canal+ de financer les films et fictions français et européens via des obligations qui leur sont fixées en matière d'investissement et de diffusion de programmes. Or les nouveaux médias qui viennent sur le terrain de jeu de la télé, de YouTube à Netflix, sont souvent implantés à l'étranger, et ne sont pas soumis à la loi française. Il existe donc une distorsion de concurrence. N'ayant aucune possibilité d'intervenir directement sur ces services, le CSA, s'inspirant du rapport de Pierre Lescure sur l'acte II de l'exception culturelle, propose de faire signer aux acteurs du Web des conventions définissant des engagements, sur la base du volontariat et en échange de contreparties. Ces engagements porteraient, par exemple, sur l'exposition de programmes audiovisuels français ou européens dans leur offre, et/ou une contribution au financement de la création audiovisuelle. En échange, ces services Web pourraient se voir garantir d'être repris et mis en valeur dans les offres des distributeurs (Free, Bouygues, Orange...). Un réel avantage commercial. Reste à voir si les distributeurs s'en satisferont. « On sait qu'il va y avoir un débat avec eux sur ce point », reconnaît Olivier Schrameck. Reste aussi à convaincre de coopérer des acteurs du Net très jaloux de leur liberté, ce qui ne sera pas une mince affaire.Le CSA demande aussi plus de pouvoir de police. Il peut aujourd'hui jouer le rôle de médiateur entre des chaînes de télévision et leurs distributeurs, en cas de litige. Par exemple, France 5 réclame depuis des années le numéro 5 parmi les chaînes proposées par Numericable, où elle figure en treizième position. « Nous souhaitons développer l'intermédiation dans toutes les directions : cela concerne les éditeurs, les distributeurs, les annonceurs, les producteurs, les auteurs... », explique le président du CSA. L'institution réclame également de pouvoir prononcer des mesures conservatoires, autrement dit provisoires, dans l'attente d'une décision. Et il réclame même de pouvoir lever le secret des affaires dans le cadre de l'examen d'un différend. Le processus de transformation de l'institution en un super-régulateur économique est manifestement enclenché. Reste à convaincre les pouvoirs publics.