Tout doit être prêt fin juin. Les décrets instaurant le compte de prévention de la pénibilité doivent être publiés au début de l'été. Les entreprises auront alors six mois pour se préparer avant l'entrée en vigueur de ce dispositif le 1er janvier prochain. Prévu dans la loi de réforme des retraites, il permettra aux salariés qui exercent des métiers physiquement pénibles, qui ont une incidence sur la santé et l'espérance de vie, de partir à la retraite jusqu'à deux ans plus tôt, de se reconvertir ou de travailler à temps partiel.Pour préparer ces décrets, le gouvernement a prévu une période de concertation avec les syndicats et les organisations patronales, pilotée par Michel de Virville. Hier, ce haut fonctionnaire de la Cour des comptes, ancien DRH de Renault, a remis ses premières propositions aux partenaires sociaux. « Ce document ne préjuge pas de ce que diront au final les décrets. Ce sont mes propositions, qui permettront de recueillir les réactions des partenaires sociaux et d'en tenir compte éventuellement », prévient-il.Les réactions, en effet, n'ont pas tardé à fuser. Très remonté contre le principe même du compte pénibilité, le patronat est resté campé sur une position méfiante, voire rigide. Au Medef, on souligne l'intérêt de la démarche de concertation, « qui doit faciliter l'expression de nos difficultés », mais on reste prudent. « Il y a encore beaucoup trop d'incertitudes pour se prononcer », fait-on valoir avenue Bosquet. « On peut aller plus loin dans la discussion, certes, mais pour dire que ce n'est toujours pas acceptable », prévient de son côté Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME.Parmi les inquiétudes du patronat, figurent toujours la complexité du système et le problème de la comptabilisation des durées et des seuils pour chaque salarié. Certains, dans le bâtiment par exemple, ont des tâches très variées d'un chantier à l'autre. « Il y a un problème de méthode. On aurait dû partir beaucoup plus du terrain et commencer par là », soutient Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA (artisans), qui regrette qu'il n'y ait aucune prise en compte des spécificités des PME-TPE. Cela pourra être le cas dans un second temps, puisque Michel de Virville compte travailler avec 8 grands secteurs d'activité pour adapter le référentiel interprofessionnel aux particularités de certaines branches. « Nous n'avons pas renoncé pour autant à demander un moratoire sur ce texte », poursuit Geneviève Roy.

« Cynisme » du patronat

Les syndicats poussent, au contraire, pour que le compte pénibilité entre bien en vigueur dès le 1er janvier. Le secrétaire général de la CFDT a critiqué mardi le « cynisme » du patronat. « Un moratoire pour la pénibilité ? Pas question ! », a lancé Laurent Berger. « Les organisations patronales doivent cesser leurs manoeuvres dilatoires. La loi doit être appliquée », demande Philippe Pihet (FO). S'ils approuvent tous le principe du compte pénibilité, les syndicats redoutent que les conditions pour bénéficier du dispositif ne soient trop restrictives. « Notre but est de faire entrer un maximum de salariés dans le dispositif », explique Eric Aubin (CGT).Combien seront-ils au final ? Une enquête officielle a estimé que plus de 18 % des salariés étaient exposés à au moins un facteur de pénibilité (voir graphique), mais le gouvernement ne se risque pas à avancer de chiffre précis. « C'est un problème, car nous aurons du mal à évaluer l'impact de ce qu'on nous propose », déplore Hervé Garnier (CFDT). « Nous n'aurons pas la possibilité de faire une évaluation précise avant l'entrée en vigueur du dispositif », explique Michel de Virville.