C'est un paradoxe : une industrie vieille de plus de deux siècles réussit à se renouveler et à créer de la valeur. Le décolletage, ce façonnage de pièces métallurgiques de précision, a vu son activité progresser de 1,7 % en 2013, avec un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros. Ce qui ramène le secteur au niveau (2,1 milliards d'euros) d'avant la crise de 2008, qui avait vu l'activité chuter d'au moins 30 %. Après la crise structurelle de 2000, où l'arrivée, puis le départ de financiers anglo-saxons ont laissé les PME achetées exsangues (souvent des locomotives, comme Franck & Pignard), la filière s'est mobilisée. Depuis le début de l'année, le mouvement de redressement se poursuit, le syndicat professionnel estimant la progression d'activité à 4,5 %. « Fait rare dans une profession, souligne Lionel Baud, président du Syndicat national du décolletage (SNDEC), le secteur s'est doté en 2011 d'un plan stratégique. » Baptisé « Expansion 2020 », il vise à développer le chiffre d'affaires de 2 à 3 milliards d'euros et à faire mieux à l'export que la moyenne de 30 %. « Depuis deux ans, analyse le président du SNDEC, les entreprises ont résisté dans un contexte difficile, notamment celui de l'automobile qui représente toujours 60 % de nos ventes, mais nous avons compensé par de la productivité et l'export, qui représente désormais 42 % de nos ventes. » Et d'estimer que « l'objectif des 50 % à l'export sera atteint bien avant 2020 ». Adossé au Centre technique du décolletage, au Centre technique des industries mécaniques et au pôle de compétitivité Arve-Industries, le plan comporte aussi un programme d'innovation. « Le pôle est l'un des rares en France à ne pas avoir été conçu autour de grands groupes, mais en ayant pris le risque de s'adresser à des PME réputées individualistes. Aujourd'hui, le pari est tenu : 300 entreprises sont impliquées », indique un des concepteurs du pôle, Roland Pascal, délégué général de la Fondation Haute-Savoie Avenir.La moitié sont des entreprises de décolletage et, en deux ans, celles-ci ont changé de dimension. « Le secteur évolue de plus en plus vers l'usinage de précision et la production de pièces sophistiquées, où entre de la connectique ou de la mécatronique », explique le président du pôle, Etienne Piot.

Des gains de productivité « considérables »

La mutualisation des achats, des ressources humaines, du marketing ou la création d'un label Mont-Blanc Excellence ont entraîné des gains de productivité qualifiés de « considérables » par le directeur du pôle, Jean-Marc André. Mais un palier semble atteint : Lionel Baud estime que la différence de coût du travail entre un décolleteur allemand et français approche les 7.000 euros par an et par salarié.Le secteur, qui emploie 14.000 salariés sur un total de 600 PME, devrait créer 3.000 postes en dix ans. Pour l'heure, les entreprises peinent à recruter. « A peine formés, les employés qualifiés, comme les régleurs, filent chez Rolex en Suisse », regrette Jean-Marc André.Le secteur a également su corriger son manque de fonds propres grâce aux prêts à taux zéro et la mobilisation de capitaux comme le Fonds d'investissement de proximité (FIP), créé par le Crédit Agricole des Savoie. « Il s'agit de créer des entreprises de taille adaptée au marché et des locomotives », souligne Lionel Baud, qui a doublé la taille de sa société qui atteint 450 salariés.