Projeté en avant-première lors de l'American French Film Festival (TAFFF), qui débute mardi à Los Angeles, ce feuilleton s'inspire du monument de la littérature française publié par Pierre Choderlos de Laclos en 1782.

Son roman épistolaire sur les machinations entre le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil, deux ex-amants rivalisant de perfidie pour séduire et pervertir les membres de l'aristocratie, a déjà été adapté de multiples fois. 

Le film d'époque éponyme de Stephen Frears (1988), avec Glenn Close et John Malkovich, a notamment marqué les esprits. Tout comme "Sexe Intentions" (1999), qui transposait l'intrigue dans le New York bourgeois contemporain.

Produite par HBO Max et disponible à partir du 14 novembre en streaming, la série prend un parti différent: explorer les jeunes années de la marquise, en détaillant les épreuves qui feront d'elle une veuve manipulatrice, à l'esprit libre et aux mœurs légères.

En six épisodes, "Merteuil" chronique l'émancipation d'"une jeune femme humiliée, qui ne va pas se laisser faire, ne va pas supporter cette humiliation, ces agressions, ce monde extrêmement masculin et va vouloir exploser tous les codes", explique à l'AFP Jessica Palud.

- "Maîtriser les hommes" -

L'actrice franco-roumaine Anamaria Vartolomei ("Le Comte de Monte-Cristo", "Mickey 17") incarne cette héroïne vengeresse: Isabelle Dassonville, une roturière pieuse et ardemment courtisée par Valmont (Vincent Lacoste). Le vicomte met en scène un faux mariage pour lui arracher sa virginité, avant de disparaître.

Cette blessure intime pousse la jeune femme à s'éduquer pour partir en guerre contre la gent masculine. Sans pour autant échapper à la violence patriarcale, entre tentatives de viol, relations forcées avec le marquis de Merteuil - un noble grisonnant qu'elle épouse par intérêt -, ou avortement dissimulé.

"Peu de choses finalement ont changé" depuis cette époque pour les femmes, regrette Anamaria Vartolomei. "C'est un récit qui peut paraître intemporel. Et s'il est intemporel, c'est qu'il est encore d'actualité, malheureusement."

Pour guider Merteuil dans son apprentissage aristocratique et libertin, la série étoffe le rôle de Madame de Rosemonde, la tante de Valmont. 

Ce personnage très secondaire du roman s'impose ici comme une figure centrale, grâce à Diane Kruger, impeccable en mentor transmettant son machiavélisme charmeur à sa protégée.

"Cessez de sourire aussi bêtement, seules les catins se laissent regarder ainsi. Séduire n'est rien, vous devez apprendre à maîtriser les hommes", lance-t-elle dès le premier épisode.

- "Cour d'école" -

"Ce rapport entre les femmes, ça c'est une invention complètement libre par rapport aux +Liaisons Dangereuses+", observe Jessica Palud, qui dirigeait déjà Anamaria Vartolomei dans "Maria", biopic consacré à Maria Schneider, l'actrice humiliée par Marlon Brando lors du tournage du "Dernier tango à Paris". 

"C'est la modernité en fait de cette histoire", complète la réalisatrice.

Au fil des épisodes, la cinéaste décortique le sexe comme lieu de pouvoir: Merteuil manipule, séduit, pour asseoir ou ruiner les réputations à la cour du roi.

"C'est une cour d'école +Les Liaisons Dangereuses+ en fait", remarque Jessica Palud, en traçant un parallèle avec les interactions parfois brutales des adolescents sur les réseaux sociaux.

En ligne, "on peut abîmer les gens extrêmement vite aujourd'hui et j'ai l'impression qu'on a essayé de mettre des choses comme ça aussi dans la série", poursuit-elle.

L'intrigue rejoint progressivement celle du roman originel, sans pour autant la reproduire à l'identique. Attirés l'un par l'autre, mais trop épris de liberté pour renoncer à leurs stratagèmes, Merteuil et Valmont vont faire un pari dangereux.

"On les voit un peu comme des héros parce qu'ils sont en apparence vaillants et puissants", relève Anamaria Vartolomei. "Mais dans le fond, ce sont des ratés presque, parce qu'ils s'interdisent tellement de choses. Ils sont tellement fébriles à l'idée de se révéler à eux-mêmes que ça en devient presque absurde". 

"Et c'est peut-être cette absurdité qui résonne encore avec eux aujourd'hui", conclut l'actrice.