Va-t-on assister à un retour massif des salariés sur leur site professionnel et à la fin du télétravail ? En la matière, des volte-face devraient continuer de s'opérer l'an prochain, à en croire le rapport consacré au futur du travail de l'institut Forrester (« 2025 Predictions on the Future of Work »). Selon cette source, un PDG d'une entreprise du Fortune 500 sur cinq devrait emboîter le pas de celui d'Amazon pour exiger un retour au bureau dès 2025, « comme s'il s'agissait d'un nouveau consensus ».
Régression pour les uns, retour à plus de « normalité » pour d'autres, la chose certaine est qu'une situation aussi épineuse requiert bien plus de subtilité si l'enjeu est de convaincre les salariés de l'impérieuse nécessité d'un retour sur site et de maintenir leur motivation et leur engagement.
Taper du poing sur la table est une chose, partager un diagnostic commun sur l'efficacité managériale une autre qui, à terme, cumule bien plus de chances de se révéler plus efficace. Depuis la France, il est difficile de comprendre la nature du rapport au travail qui a cours outre-Atlantique. Les relations professionnelles quelque peu brutales et à caractère transactionnel y sont monnaie courante.
Là-bas, le contrat social de base repose principalement sur un gain d'argent alors qu'en France, on y inclut une promesse employeur comprenant aussi des indicateurs non monétaires. « La façon dont les salariés français interagissent avec leur employeur est un émerveillement pour nombre d'Américains », rappelle un dirigeant français familier des Etats-Unis où sa principale filiale est installée. « N'oublions pas qu'outre-Atlantique, des salariés ont été quasi abandonnés, en tout-télétravail, pendant et après le Covid. »
Le retour autoritaire au bureau « semblera fonctionner pour quelques acteurs du marché parce que l'attrition qu'il déclenche - de plus de 25 %, prévoit l'institut Forrester - est exactement ce que ces entreprises recherchent. » Mais la solution efficace pour relancer l'innovation et la créativité au sein d'un collectif de travail et renforcer la culture interne repose sur l'amélioration de ce que le jargon professionnel désigne par « l'EX, l'expérience des salariés ou l'expérience collaborateur ». Une façon de transférer aux salariés le type de petits soins que les entreprises prodiguent à leurs clients, auxquels elles veulent « donner envie » d'acheter leurs produits ou services suite à une « CX » (expérience client) hors pair.
Cette « EX » est clé. Orl'engagement des employés est tombé au plus bas, après nombre de licenciements, de tensions sur les politiques de retour au travail et de recul des initiatives sur le terrain du bien-être et de la diversité. Et les employeurs se déclarent prêts à investir dans l'expérience salarié - cruciale mais guère mesurable - que si, et seulement si… les résultats s'améliorent.
Pourtant offrir un environnement de travail adapté ainsi que des avantages salariaux et autres (formation, etc.) favoriserait, selon Forrester, un meilleur engagement des collaborateurs ; ce qui engendrerait une excellente qualité de service, la fidélité des clients et une croissance de leur chiffre d'affaires. « Les salariés d'abord, les clients ensuite », professait le praticien du changement Vineet Nayar.
Autre cheval de bataille pointé par l'étude : l'intelligence artificielle générative (IAG). Les entreprises vont l'adopter - passant de 35 % à 50 % l'an prochain, selon Forrester. Et à mesure que l'IAG pénétrera le milieu professionnel, la quête de sens au travail s'intensifiera, prédit le 18e rapport annuel « Life Trends » d'Accenture.
Si trois personnes sur quatre jugent les outils d'IAG utiles au travail, affirmant qu'ils le rendent plus efficace (44 %) et améliorent sa qualité (38 %), d'après Accenture, d'autres redoutent qu'ils ne limitent la créativité (14 %), rendent le travail plus transactionnel (15 %) et suscitent de l'anxiété quant à la sécurité de l'emploi (11 %).L'institut Forrester relève que les entreprises seront déçues si, en parallèle, elles n'opèrent pas un changement de culture et de gouvernance pour tenir les promesses de l'intelligence artificielle (IA). Pis, une entreprise sur sept devrait abandonner l'adoption de l'IA au constat qu'elle ne dispose pas des compétences, de la formation et de l'infrastructure nécessaires.
Voilà pourquoi il importe d'investir dans la formation et le bien-être des collaborateurs pour favoriser la motivation et l'autonomie, qui sont essentielles à la production d'un travail de qualité.