Face à la mer, sur la plage d'Ouistreham, à 15 kilomètres de Caen, les immenses tentes dressées pour la cérémonie sont prêtes. Ce vendredi 6 juin, soixante-dix ans après le Débarquement, elles accueilleront dix-huit chefs d'Etat et de gouvernement, ainsi que 8.000 invités, dont 1.800 vétérans. Tous les dix ans, l'anniversaire du Jour J, ou D-Day, marque un enjeu économique et touristique fort en Basse-Normandie. En 2004, lors du 60e anniversaire, près de 6 millions de visiteurs avaient fréquenté les sites et lieux de visite de la bataille de Normandie, alors que la courbe oscillait habituellement autour des 4 millions. Le cimetière américain de Colleville-sur-Mer (Calvados) a attiré 1,4 million de visiteurs l'an passé. Une visite gratuite. « On espère le même pic pour 2014. Dans ces années d'importantes commémorations, on compte sur 30 % d'augmentation en plus qu'en année normale », calcule Jean-Louis Laville, le directeur du Comité régional du tourisme de Normandie (CRT). L'an dernier, un hôtel quatre étoiles s'est ouvert à Bayeux, une première depuis très longtemps.La région est ainsi devenue une destination incontournable dans ce qu'on appelle le « tourisme de mémoire », se classant même première région mémorielle de France. Pour le seul département du Calvados, plus de 55 sites, dont 23 musées et 19 cimetières, accueillent le public.
Un public plus exigeant
Selon la dernière étude nationale d'Atout France, les retombées économiques atteindraient plus de 200 millions d'euros sur une année à l'échelle de ce département. « Avec ce 70e anniversaire et la participation des derniers vétérans, on passe d'un tourisme de pèlerinage à un tourisme d'histoire. L'enjeu est que la région ne soit pas stoppée par un changement de génération de visiteurs », poursuit le directeur du CRT. En février dernier, un contrat de destination Tourisme de mémoire en Normandie a été signé à Caen par Sylvia Pinel, alors ministre du Tourisme. « A nous professionnels de repenser tout le discours historique pour un nouveau public, plus exigeant. A nous aussi de créer une filière pour plus de cohérence et de lisibilité », estime Stéphane Grimaldi, le directeur du Mémorial de Caen. Pour capter les millions de visiteurs attendus cette année les investissements se sont multipliés. Ouvert en juin 2013, Overlord Museum, sur 1.400 mètres carrés et situé face à l'entrée du cimetière américain de Colleville-sur-Mer, ne désemplit pas. Pour un investissement de 2 millions d'euros (hors collections), l'établissement espère dépasser les 120.000 visiteurs cette année. « Chaque musée raconte son histoire. Des parts de marché sont à prendre. Il était important de se positionner », explique Jean-Christophe Lefranc, son directeur. Un peu plus loin, à Sainte-Mère-Eglise (Manche), le musée Airborne a investi 5 millions dans son agrandissement et un nouveau bâtiment est en préparation. Objectif : attirer une nouvelle clientèle, qui ne se contente pas de regarder de simples objets de collection, mais veut « ressentir » l'époque. D'où le concept de salles immersives, où l'on peut avoir l'impression d'être dans la carlingue d'un bombardier.Pour gagner encore en visibilité et en notoriété, sans en négliger les retombées économiques, la nouvelle bataille de la Basse-Normandie est désormais d'obtenir le classement de ses plages du Jour J au patrimoine mondial de l'Unesco.