La libération "sous condition de quitter le territoire national et n'y plus paraître" interviendra le 25 juillet, a indiqué une source judiciaire à la fin de l'audience non publique au palais de Justice de Paris, en l'absence de Georges Ibrahim Abdallah, incarcéré à la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées).
"S'ils ont accepté de me libérer, c'est grâce à cette mobilisation (de militants) qui est ascendante", a réagi Georges Abdallah lors d'un échange avec la députée LFI Andrée Taurinya, à l'occasion d'une visite de la parlementaire à la prison.
"Le temps passé derrière les barreaux concernant les prisonniers +politiques+ ne pèse pas, vous passez cinq ans, vingt ans, trente ans, quarante ans, ce n'est pas ça la cause de la sortie en fait", a estimé M. Abdallah, depuis sa cellule de 11m2 tapissée d'un portrait de Che Guevara et d'affiches en faveur de la cause palestinienne.
"Nous sommes très heureux de cette décision", avait auparavant assuré à l'AFP depuis le Liban son frère, Robert Abdallah. "Nous n'aurions jamais imaginé qu'il serait enfin libéré", a-t-il confié.
"C'est à la fois une victoire judiciaire et un scandale politique qu'il ne soit pas sorti plus tôt, à cause du comportement des États-Unis et de tous les présidents français" successifs, a déclaré devant la salle son avocat, Me Jean-Louis Chalanset.
- "Le bienvenu" -
Les États-Unis, parties civiles, se sont vigoureusement opposés à chacune des demandes de libération déposées par Georges Abdallah.
Israël ne s'était pas manifesté pendant la procédure judiciaire, mais a "regretté" jeudi, par la voix de son ambassade à Paris, la décision de justice. "De tels terroristes, ennemis du monde libre, devraient passer leur vie en prison", a écrit l'ambassade dans un communiqué.
Le Liban, qui réclame sa libération aux autorités françaises depuis des années, s'est dit via son chargé d'affaires à Paris "extrêmement satisfait".
"Nous l'attendions depuis longtemps", a déclaré M. Ziad Taan, ajoutant que "l'Etat libanais prend toutes les dispositions pour organiser son retour avec les autorités françaises" au Liban, où il est "le bienvenu".
Le parquet général peut faire un pourvoi en cassation, mais il ne serait pas suspensif, et n'empêcherait donc pas Georges Abdallah de rentrer au Liban.
Incarcéré en France depuis 1984, l'ancien chef d'un groupuscule de chrétiens libanais marxistes pro-palestiniens est libérable depuis 25 ans, mais a vu sa dizaine de demandes de remise en liberté échouer.
- "Effort conséquent" -
Mais pour celle-ci, à quelques mois d'intervalle, le tribunal puis la cour d'appel s'étaient prononcés pour, estimant la durée de sa détention "disproportionnée" par rapport aux crimes commis, et jugeant qu'à 74 ans, ce détenu "âgé" aspirant à "finir ses jours" dans son village du nord-Liban ne présentait plus de risque de trouble à l'ordre public.
La cour avait cependant demandé à Georges Abdallah un "effort conséquent" pour indemniser les victimes, ce qu'il a toujours refusé de faire, se considérant comme un prisonnier politique.
À l'audience du 19 juin, sans s'épancher sur la position de son client ni l'origine des fonds, son avocat avait informé les juges que 16.000 euros sur son compte en prison étaient à disposition des parties civiles.
Aujourd'hui tombé dans l'oubli, Georges Abdallah était dans les années 1980 l'ennemi public n°1 et l'un des prisonniers les plus célèbres de France.
Pas à cause de son affaire, mais parce qu'on l'a longtemps cru, à tort, à l'origine de la vague d'attentats de 1985-1986 qui a fait 13 morts dont sept au magasin Tati de la rue de Rennes.
Georges Abdallah n'a jamais reconnu son implication dans les assassinats des diplomates à Paris, mais les a toujours qualifiés d'"actes de résistance" contre "l'oppression israélienne et américaine", dans le contexte de la guerre civile libanaise et l'invasion israélienne au sud-Liban en 1978.
Son groupuscule des FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises), dissous depuis longtemps, "n'a pas commis d'action violente depuis 1984", avait toutefois souligné la cour, estimant que Georges Abdallah "représente aujourd'hui un symbole passé de la lutte palestinienne".