Tous les anniversaires n'ont pas la même saveur. Celui des cinq ans du Plan deeptech, opéré par Bpifrance, est à ranger au rayon des bons crus. En 2023, les start-up tricolores qui utilisent des technologies de rupture - souvent issues des laboratoires de recherche - ont amassé 4,1 milliards de dollars (3,77 milliards d'euros) de financements.Ce montant record hisse la France au premier rang dans l'Union européenne, loin devant l'Allemagne (2 milliards) et la Suède (2 milliards). Et il s'en est fallu de peu pour que, pour la première fois, l'Hexagone dépasse le Royaume-Uni (4,15 milliards), l'écosystème deeptech le plus mature sur le Vieux Continent (voir graphique).« Dans un monde pourtant chahuté, l'année 2023 a montré une résilience et une dynamique exceptionnelles dans la deeptech », s'est félicité Paul-François Fournier, directeur exécutif de l'innovation de Bpifrance, lors d'un point d'étape avec la presse.

La locomotive Verkor

Cette performance a été tirée par le giga tour de table de Verkor (850 millions d'euros en equity), la licorne spécialisée dans les batteries électriques. Mais d'autres jeunes pousses ont tiré leur épingle du jeu, à l'image de Pasqal (ordinateur quantique) ou Amolyt Pharma (biotech), qui devrait être rachetée par le laboratoire anglo-suédois AztraZeneca pour un montant pouvant dépasser le milliard de dollars - au grand bonheur de Bpifrance, qui est l'un de ses investisseurs.

De quoi conforter l'institution dans sa stratégie consistant à parier sur des jeunes pousses qui ont des cycles de développement plus long et ont besoin de davantage de capitaux de départ mais qui, une fois qu'elles ont trouvé leur marché, sont protégées par des brevets et peuvent peser lourd.

Lancé en 2019, le Plan deeptech est constitué d'une myriade de dispositifs (investissements en direct et indirects, accompagnement, bourses, etc.) et était doté au départ de 2,5 milliards d'euros. Après cinq ans d'efforts intensifs, il commence à produire des effets tangibles sur l'ensemble du territoire.« Nous voyons, petit à petit, apparaître des clusters », souligne Paul-François Fournier. Les batteries électriques dans les Hauts-de-France, la medtech à Lyon, les semi-conducteurs à Grenoble, les technologies quantiques en Ile-de-France, etc.

La plupart des deeptechs ont une dimension industrielle. Elles sont donc amenées à ouvrir des sites de production. En 2023, 26 d'entre eux ont été inaugurés, dont ceux de Lhyfe (hydrogène), Corwave (pompes cardiaques) ou Agronutris (élevage d'insectes).

L'élan se poursuit également en début de chaîne. « Nous avons recensé 340 deeptechs créées en 2023 », précise Paul-François Fournier. Un chiffre en hausse de 6 % sur un an. Au total, quelque 1.300 start-up deeptech ont été créées lors des cinq dernières années. A horizon 2030, Bpifrance vise 500 créations par an. Un chiffre ambitieux qui a aussi ses détracteurs. « Au lieu d'arroser à tout-va, on devrait cibler moins de start-up et leur donner plus de moyens », estime un entrepreneur.

La stratégie du volume

« Il y a un aspect volumique que nous assumons », réplique Paul-François Fournier. A ses yeux, cette stratégie du « spray and pray » a contribué à faire émerger des verticales inattendues, comme le quantique, devenu l'une des forces montantes de la French Tech. Au total, Bpifrance a investi 493 millions en direct dans des start-up deeptech en 2023, et 397 millions d'euros via de la souscription dans d'autres fonds deeptech.

Au-delà des financements, l'année 2023 a été marquée par l'émergence de l'association France Deeptech, qui fédère tous les acteurs du secteur (start-up, fonds, laboratoires). « L'écosystème se prend en charge, s'autonomise », se réjouit Paul-François Fournier. Elle a aussi donné naissance au deuxième volet du plan deeptech (500 millions d'euros), qui met l'accent sur le développement de 29 pôles universitaires d'innovation (PUI). Ces derniers montent en puissance et doivent constituer un nouveau réservoir à projets dans la deeptech pour les cinq prochaines années.

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