C'est un sujet qui a été peu évoqué pendant la campagne des législatives. Les défaillances se multiplient en France. Au deuxième trimestre, 15.980 entreprises françaises ont fait défaut, selon les données publiées mercredi par le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ). Si la vague ralentit un peu au cours de la période, le niveau de sinistralité demeure néanmoins très élevé, supérieur à ce qu'il était avant la crise sanitaire.

Caddie, Duralex, Les Petits Bidons, Cazoo et bien d'autres : sur les six premiers mois de l'année, le nombre global de défauts a progressé de 18 % par rapport au premier semestre 2023. Il avoisine les 33.500, un chiffre supérieur de 20 % au niveau moyen constaté en 2018 et 2019, avant le Covid, soit 28.000 environ. Tendance que l'on retrouve d'ailleurs dans la plupart des pays de la zone euro. Dans la foulée, près de 102.500 emplois se retrouvent menacés dans l'Hexagone.

Révélateur des fragilités du tissu productif

Avec la fin des aides d'urgence massives mises en place par l'Etat, la remontée de la sinistralité était certes écrite. Dans une note récente, Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas, indique ainsi que cette évolution « procède principalement de la poursuite du rattrapage des défaillances d'entreprises ».Cette analyse n'est toutefois pas partagée pas l'institut Rexecode, proche du patronat qui y voit aussi un révélateur des fragilités du tissu productif hexagonal. « Le nombre de défauts tutoie les plus hauts historiques », et « la hausse va au-delà d'un processus de rattrapage après la mise en sommeil des entreprises après le Covid », souligne-t-il dans son panorama de « la situation et des défis de la France » publié à la fin du mois de juin.

D'après les données du CNAJMJ, le commerce et la construction sont les deux secteurs qui au premier semestre ont connu le plus de déboires. Mais les difficultés continuent sans surprise de déferler sur les « activités immobilières » qui enregistrent un bond de 54 % des défauts. Victimes du violent coup de frein sur le marché du logement ancien, « 617 agences immobilières sont rentrées en défaillance au premier semestre », précise le communiqué publié mercredi. Le secteur du transport et de l'entreposage est également très touché (+33 %) de même que les activités financières et d'assurance (+25 %).

Remboursement trop rapide des PGE

Croissance ralentie en France, consommation sans ressort, investissement en panne, hausse des coûts de production, durcissement des conditions de financement : de multiples facteurs pèsent sur les entreprises tricolores. Pour les plus fragiles, cela peut être le coup de grâce. « Les entreprises qui tombent sont celles qui sont plus endettées que la moyenne. Cette fragilité risque de s'aggraver si les taux d'intérêt français sont plus élevés », confirme Denis Ferrand, le directeur général de Rexecode.Dans un billet posté sur LinkedIn, Patrick Senicourt, président de Nota-PME, observe de son côté que bon nombre des sociétés qui entrent en défaillance ont été essorées par le remboursement trop rapide des prêts garantis par l'Etat (PGE) octroyés pendant la pandémie. « Si on ne fait rien, il faut s'attendre à un niveau de 70.000 faillites en année pleine à horizon fin 2024 », prévient-il. Pour éviter une telle hécatombe, l'expert suggère de rééchelonner sans pénalisation sur la notation les remboursements pour les rendre compatibles avec la rentabilité des entreprises.