C'est, dans le département du Rhône, une entreprise qui loue des systèmes de pompage ; à la Réunion, une société publique locale ou, dans la Manche, une PME de gestion forestière. Une cinquantaine d'entreprises se sont aujourd'hui converties à la comptabilité CARE (pour Comprehensive Accounting in Respect of Ecology), en France. C'est peu.

Née il y a une dizaine d'années dans l'Hexagone, cette modélisation comptable qui allie les capitaux naturels et humains au capital financier peine à séduire, quand bien même son développement est porté par la recherche publique (AgroParisTech, université Paris-Dauphine, chaire de comptabilité écologique). A ce jour, 40 professionnels réunis au sein du cercle des comptables environnementaux et sociaux, sont habilités à exercer.

Services écosystémiques

La CSRD, directive européenne qui impose la publication d'informations en matière de durabilité, jouera-t-elle en faveur de CARE ? Les deux démarches vont en tout cas dans le même sens. Le postulat des créateurs de cette comptabilité verte est le suivant : la moitié de la richesse mondiale provient des services écosystémiques, c'est-à-dire des services rendus par la nature. Les entreprises devraient donc identifier ces apports, évaluer les impacts de leurs activités sur ce capital alloué gracieusement, les quantifier et les intégrer dans leur comptabilité. « Ce cadre permet d'assurer une connexion logique et organisée entre les sciences de gestion, les sciences environnementales et sociales pour permettre leur intégration comptable », résume Matthieu Astic, chargé de mission au sein du cabinet spécialisé Endrix. Et éventuellement de déterminer la dette écologique que remboursera l'entreprise pour maintenir le vivant. Au-delà du capital financier, l'objectif est donc de préserver les capitaux naturels et humains ; une comptabilité multicapitaux, disent les professionnels.

« Un indicateur de gestion seul ne dit rien de l'efficacité d'une action, argumente Matthieu Astic. Il doit être rattaché à un indicateur d'impact et un indicateur de bon état écologique ». L'expert se penche en ce moment sur le cas d'une entreprise implantée dans un bâtiment du XVIIIe siècle qui abrite dans ses combles une colonie de chauve-souris et doit effectuer une mise aux normes de sécurité incendie pour continuer à exercer. Comment conserver le capital biodiversité (la population de chauve-souris) dans une telle situation ? L'équation est formulée dans un compte de résultat et un bilan. Les promoteurs de CARE louent son rôle de facilitateur de dialogue avec les banques et les financiers, notamment pour décrocher des prêts à taux réduits. Et financer de nouveaux plans de préservation de la biodiversité.