Concertation géante autour du Net. La communauté internationale conclut aujourd'hui une réunion inédite pour réfléchir à l'avenir de la gouvernance du Net. Il s'agit de démonter l'architecture mise en place depuis la naissance de la Toile et de décentraliser les fonctions actuellement assurées par l'Icann, qui gère les noms de domaine au niveau mondial et s'assure du bon fonctionnement du réseau. En résumé : réduire l'influence des Etats-Unis sur la planète Internet. Mais en douceur.Car l'heure n'est pas à la confrontation, malgré le contexte explosif de l'affaire Snowden, mais à l'ébauche de consensus. D'emblée, Dilma Rousseff a fixé les enjeux de cette première, qui rassemble des participants d'une centaine de pays, des militants de la cause d'un Internet pluriel et protégé de toute ingérence extérieure ou de toute surveillance illégale, mais aussi des pères fondateurs de l'Internet, comme Tim Berners-Lee, inventeur du « World Wide Web » ou Vincent Cerf, aujourd'hui l'un des dirigeants de Google. « Les droits offline doivent aussi être protégés online », a asséné hier la présidente brésilienne dans son discours d'ouverture du sommet.
Discours d'intention
Dilma Rousseff a rappelé qu'elle a elle-même fait l'objet de « pratiques inacceptables » (un espionnage de la National Security Agency, dénoncé par l'ancien consultant Edward Snowden). Dans la salle, quelques manifestants de l'association Our Net Mundial ont alors brandi une banderole : « Nous sommes tous victimes de l'espionnage ». Certains activistes considèrent en effet que l'énumération des grands principes et des directives à suivre pour jeter les bases d'une nouvelle gouvernance mondiale de l'Internet est trop vague et n'apportera aucune solution concrète face aux risques de surveillance et de reprise en main du réseau par certains Etats. Mais le moment n'est pas aux récriminations. Le Brésil a énoncé trois grands principes : l'accès universel à Internet (« aussi important que l'augmentation des revenus »), la liberté d'expression et la neutralité de l'accès au réseau (contre la volonté de certaines entreprises de télécommunications qui souhaitent « filtrer » cet accès en fonction des tarifs payés par leurs abonnés). « Aucun pays ne doit avoir plus de poids que les autres, a souligné Dilma Rousseff. Notre idée n'est pas de remplacer ce qui existe, mais de créer une nouvelle base pour ce débat. »
Vers une gestion plurielle
Un discours qui semble avoir trouvé des échos. En matière de gouvernance, la plupart des participants s'accordent à dire qu'Internet doit être géré au niveau global et de manière plurielle, plutôt que de dépendre d'une organisation basée aux Etats-Unis et influencée par la législation américaine. Washington s'est d'ailleurs déclaré disposé à lâcher du lest. Il s'est engagé à transmettre ses responsabilités de supervision à un organisme indépendant, que ce soit l'Icann ou un autre...Cette conférence multisectorielle de São Paulo est l'occasion d'avancer des propositions concrètes. Mais le chemin risque d'être encore long. Au-delà des discours d'intention, peu de pistes émergent pour le moment. « Ce devrait être un organisme mondial », selon Tim Berners-Lee, qui a aussi rappelé que l'Europe a déjà adopté des mesures protégeant la confidentialité des données des internautes, Certains suggèrent le renforcement du Forum de gouvernance de l'Internet (IFG) sous l'égide de l'ONU. Mais d'autres mettent en avant le fait que les Etats non démocratiques pourraient alors être majoritaires dans les prises de décision...