Ancien guérillero et adepte d'un mode de vie austère, José Mujica, dit "Pepe", est mort mardi dans sa modeste ferme de la périphérie de Montevideo.

Dans la matinée, un cortège funèbre s'est élancé depuis le siège de la présidence à Montevideo, avec à sa tête l'épouse de M. Mujica, l'ancienne vice-présidente Lucia Topolansky, et l'actuel président uruguayen Yamandu Orsi, dauphin de l'ex-dirigeant.

Des milliers de personnes sont venues assister dans le centre de la capitale au passage du cercueil placé sur un affût tiré par des chevaux. "Merci, Pepe !", criaient certains, tandis que d'autres laissaient échapper des sanglots. 

José Mujica représente "la lutte, la résilience, le fait d'aller de l'avant pour aider les plus démunis", a déclaré en larmes à l'AFP Solana Lozano, une médecin de 46 ans.

Au son de "A don José", un classique de la musique folklorique uruguayenne associé à la gauche, le passage du char a déclenché une salve d'applaudissements et de cris.

Trois heures plus tard, le cortège a gagné le Palais législatif. Puis une veillée funèbre a commencé.

Aux abords du bâtiment abritant le Parlement, des personnes de tous âges, beaucoup tenant des fleurs, faisaient la queue dans l'après-midi pour présenter leurs respects à l'ancien chef d'Etat.

"La perte d'un ami, d'un compagnon est quelque chose qui touche", mais voir "des personnes âgées, des enfants, des jeunes témoigner une telle affection (...) réconforte", a déclaré le président Orsi.

Le gouvernement du petit pays sud-américain a décrété trois jours de deuil national. 

Le drapeau uruguayen et celui de la gauche au pouvoir ornaient rues et épaules des sympathisants.

-"Engagement"-

"Aujourd'hui est un jour très triste pour l'Uruguay", confie Rita Oyarzabal, retraitée interrogée par l'AFP.

Braian De Leon, un infirmier de 28 ans, loue pour sa part le "caractère unique" de l'ancien dirigeant et "son engagement pour les droits qui a marqué l'Uruguay".

Surnommé le "président le plus pauvre du monde" pour avoir reversé la quasi-totalité de ses revenus de dirigeant à un programme de logement social, "Pepe" Mujica avait révélé en début d'année que son cancer de l'œsophage diagnostiqué en mai 2024 s'était propagé et que son corps ne supportait plus les traitements.

Son décès a suscité mardi de nombreuses réactions de dirigeants, notamment au sein de la gauche latino-américaine.

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, qui a dit vouloir venir lui dire adieu tout comme le Chilien Gabriel Boric, a salué une "grandeur humaine (qui) a dépassé les frontières".

Son homologue mexicaine Claudia Sheinbaum a rendu hommage à un "exemple pour l'Amérique latine et le monde entier", par sa sagesse et sa simplicité.

En Colombie, le président de gauche Gustavo Petro, lui aussi ex-guérillero, a évoqué un "grand révolutionnaire".

Avec son verbe haut, son style décontracté et des réformes marquantes, M. Mujica a atteint une popularité inédite pour un dirigeant de ce pays de 3,4 millions d'habitants, coincé entre les géants brésilien et argentin.

Dans les années 1960, il fut l'un des fondateurs de la guérilla urbaine d'extrême gauche Mouvement de libération nationale Tupamaros (MLN-T). Blessé par balles en 1970, il fut emprisonné pendant toute la dictature (1973-1985) et torturé.

Après sa libération en 1985, il se lance dans la politique et fonde en 1989 le Mouvement de participation populaire (MPP), pilier du Frente Amplio qui mènera la gauche au pouvoir pour la première fois en 2005 avec Tabaré Vasquez.

Le dirigeant, qui occupa aussi les fonctions de député, sénateur et ministre, a durant son mandat présidentiel bousculé les conventions, promouvant des mesures progressistes pour l'Amérique latine, comme la légalisation du cannabis, une première mondiale en 2013, ainsi que l'avortement et le mariage homosexuel.

Jusqu'au bout, il a œuvré pour la gauche dans son pays, menant la campagne présidentielle de Yamandu Orsi en novembre. "Il y a quelque chose de doux, un peu comme un cadeau d'adieu", dans la victoire de son héritier politique, avait-il dit dans un entretien à l'AFP.