Les Européens, sous le choc après l'annonce d'un premier entretien téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine sur la question, ont de leur côté multiplié les réactions, refusant de voir s'ouvrir des négociations sur l'Ukraine dans leur dos.
Vladimir Poutine "veut la paix", a affirmé le président américain à la presse jeudi.
Il a également annoncé la tenue d'une réunion à Munich (Allemagne) vendredi entre "de hauts responsables de Russie, d'Ukraine et des Etats-Unis". La Maison Blanche, contactée par l'AFP, n'a pas donné plus de précisions.
Kiev a rétorqué ne pas vouloir y participer. "Une position commune convenue (avec les alliés de Kiev) doit être sur la table pour une conversation avec les Russes. (...) Pour le moment, il n'y a rien sur la table. Des discussions avec les Russes ne sont pas envisagées", a déclaré à la presse Dmytro Lytvyn, un conseiller du président ukrainien.
Plus tôt dans la journée, sur X, Volodymyr Zelensky avait dit avoir "mis en garde les dirigeants internationaux sur la confiance à accorder aux déclarations de Poutine disant être prêt à mettre fin à la guerre".
Le Kremlin a affirmé qu'il n'y avait pour le moment aucune décision sur la date de la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine et que cela pourrait "prendre des mois". Avant de consentir que l'Ukraine participerait aux pourparlers de paix "d'une manière ou d'une autre".
- "Arrêter Poutine" -
Mais pour M. Zelensky, les réunions entre l'Ukraine et les Etats-Unis constituent "la priorité". "Et ce n'est qu'après ces réunions, après l'élaboration d'un plan pour arrêter Poutine, que je pense qu'il sera juste de parler aux Russes", a-t-il ajouté.
Les Européens ont de leur côté souligné que seules de réelles négociations impliquant l'Ukraine et l'UE permettraient de parvenir à une paix véritable sur le continent."Une paix qui serait une capitulation" serait "une mauvaise nouvelle pour tout le monde", a averti le président français Emmanuel Macron dans une interview au Financial Times parue vendredi.
"La seule question à ce stade, c'est: est-ce que de manière sincère, durable, soutenable, le président Poutine est prêt à un cessez le feu sur cette base-là", a-t-il relevé.
La paix doit être plus qu'un "simple cessez-le-feu", a mis en garde jeudi Antonio Costa, le président du Conseil européen.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a mis en garde contre des négociations menant à une victoire russe et à un "effondrement" de l'Ukraine, qui "n'apporteraient pas la paix, au contraire".
"C'est la paix et la stabilité en Europe, et bien au-delà de l'Ukraine, qui seraient mises en danger", a-t-il ajouté.
- "Ni Yalta 2, ni Minsk 3" -
Parmi différentes lignes rouges tracées par l'administration Trump, les Etats-Unis ont martelé qu'une adhésion de l'Ukraine à l'Otan n'était pas réaliste, tout comme un retour de ce pays à ses frontières d'avant 2014, c'est-à-dire avec la Crimée, annexée cette année-là par Moscou.
Autant d'annonces qui ont provoqué la satisfaction des dirigeants russes.
"Les Russes tentent de prolonger la mentalité post-Yalta, quand une poignée de personnes autour d'une table divisaient le monde" en zones d'influence, a réagi à Paris le ministre ukrainien des Affaires étrangères Andriï Sybiga, en référence à l'accord signé à Yalta en février 1945 entre Roosevelt, Staline et Churchill pour préparer l'après-Seconde Guerre mondiale et se répartir de facto des sphères d'influence.
"Nous ne voulons ni Yalta 2, ni Minsk 3", a-t-il ajouté. Il faisait également référence aux accords de Minsk de 2014 et 2015, qui avaient abouti à un fragile cessez-le-feu sans mettre fin durablement aux affrontements entre l'armée ukrainienne et des séparatistes soutenus par Moscou dans l'est du pays.
- "Trahison" -
Par la voix du chef du Pentagone Pete Hegseth, plus tôt jeudi à Bruxelles, Washington avait pourtant affirmé que l'ouverture de ces discussions n'était en rien une "trahison" vis-à-vis de l'Ukraine, évoquant "une paix négociée".
Les Américains ont jugé qu'il appartenait désormais aux Européens d'assurer l'essentiel du soutien à Kiev et qu'il était impératif qu'ils musclent leurs investissements dans la défense.
Les pays européens se sont toutefois montrés très sceptiques, la cheffe de la diplomatie de l'UE Kaja Kallas faisant même le parallèle entre aujourd'hui et 1938, quand les accords de Munich avaient abouti à l'annexion d'une partie de la Tchécoslovaquie par l'Allemagne hitlérienne.
Cette "stratégie de l'apaisement ne fonctionne pas", a-t-elle martelé.
Le président américain a créé la stupeur lorsqu'il a annoncé qu'il rencontrerait Vladimir Poutine en Arabie Saoudite, peu après un échange téléphonique entre les deux hommes qui sont convenus d'engager "immédiatement" des négociations pour mettre fin à la guerre en Ukraine.
"Toute solution rapide équivaut à un sale accord que nous avons déjà vu, à Minsk par exemple", a averti jeudi Mme Kallas, pour qui rien ne peut se négocier "dans le dos" de l'Europe ou des Ukrainiens, sous peine d'"échec".