Peu coûteux et constamment renouvelés, ces produits textiles grignotent le marché et concurrencent les acteurs historiques du secteur. L'AFP a analysé et comparé leurs prix et leurs nouveautés.
Ils sont accusés d'être souvent très polluants et fabriqués dans des conditions de travail généralement déplorables, ce que conteste l'un des acteurs émergents du secteur, Shein. La plateforme "s'engage à garantir le traitement équitable et digne des travailleurs et interdit le travail forcé au sein de sa chaîne d'approvisionnement", affirme son porte-parole en France, Quentin Ruffat.
- 7.220 nouvelles références par jour -
Initiée dès les années 1990 en France avec l'arrivée de Zara, la fast fashion "est un mode de fonctionnement" notamment basé sur "la multiplication du nombre de collections", indique à l'AFP Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique de l'Institut Français de la Mode (IFM).
Pendant deux semaines, du 22 mai au 5 juin, l'AFP a analysé les sites d'un acteur émergent, Shein, et d'un acteur historique, H&M, afin d'estimer le nombre de nouveaux arrivages par jour et par segment.
Il en ressort que, dans la catégorie "vêtements pour femmes", Shein a mis en ligne près de 2.960 nouvelles références par jour, en moyenne, sur la période analysée. Cette estimation descend à 1.330 pour les hommes et atteint 2.930 pour les chaussures. Soit un total de plus de 7.220 nouvelles références par jour, qui s'approche du chiffre trouvé par l'ONG les Amis de la terre en mai 2023.
De son côté, le site H&M, qui vend également d'autres marques comme Cos, Arket, ou & Other Stories, proposait environ 290 nouvelles références quotidiennes dans la catégorie "vêtements femmes", et 50 dans celle "vêtements hommes".
Contactées par l'AFP, aucune des deux marques n'a souhaité faire de commentaire sur ces chiffres.
"Nous fabriquons uniquement ce que nos clients achètent, nous alignons la production sur la demande", ce qui permet "d’avoir peu de stocks" et un taux d'invendus inférieur au reste de l'industrie, dit Quentin Ruffat.
- L'intelligence artificielle, leur ADN -
Outre la grande variété des articles proposés, l'accent est également mis sur la rapidité: un vêtement de l'"ultra fast fashion" est conçu, produit et expédié en moins de 7 jours (3 semaines pour la fast fashion), selon le secrétariat général à la Planification écologique.
Si les plateformes d'origine chinoise, tels Temu ou Shein, "sont aussi agiles et aussi rapides, c'est parce que ce sont des puissances technologiques", explique Laëtitia Lamari, spécialiste du commerce en ligne. "Pour eux, l'intelligence artificielle n'est pas née avec ChatGPT. C'est leur ADN", ajoute-t-elle.
Pilotées par la tech, elles peuvent développer des produits en petite quantité, parfois sur un simple prototype créé par IA. S'il y a des clics, l'algorithme se met en branle et donne des indicateurs pour de la fabrication, selon l'experte.
À grand renfort d'avions, les pièces arrivent en France, un de leur marché phare, souvent exemptées de droits de douane. Mais avec des contrats publicitaires "colossaux avec les plateformes comme Meta", note Laëtitia Lamari.
Selon son porte-parole en France, "Shein n’utilise pas l’IA pour le design des vêtements", qui sont livrés "entre 8 et 15 jours".
- 2€ le tee-shirt -
"Avec l'arrivée de l'ultra fast fashion, les écarts de prix par rapport au milieu de gamme se sont beaucoup accentués", détaille Gildas Minvielle. Allant parfois du simple au triple. Un tee-shirt, par exemple, coûte aujourd'hui en moyenne 14 euros, selon l'IFM.
Zara et H&M sont au-dessus, tandis que Primark, Kiabi et Shein sont en dessous, selon une analyse par l'AFP des sites de ces groupes le 4 juin.
Parmi ces cinq acteurs, c'est Shein qui proposait le tee-shirt le moins cher: 2,16 euros pour un "tee-shirt pour femmes décontracté avec col rond à motif minimaliste" vendu en lot de quatre à 8,62 euros.
Venaient ensuite Kiabi avec un tee-shirt à 2,40 euros (en promotion), Primark à 3 euros, H&M à 4,99 euros et Zara à 6,95 euros.
Outre "prendre des parts de marché aux autres acteurs", "ce nouveau marché de tout petits prix (...) perturbe la perception que les consommateurs ont des prix", note Gildas Minvielle. "Le juste prix ou le prix légitime pour un vêtement aujourd'hui n'est plus le même qu'avant".