Le pouvoir russe a méthodiquement éradiqué toute contestation ces dernières années, jetant des centaines, voire des milliers de personnes derrière les barreaux et rendant impossible toute action de protestation.
L'opposition, qui a perdu en février sa figure de proue, Alexeï Navalny, mort dans des circonstances troubles en prison, est privée de moyens d'agir en Russie et donc forcée de relancer le mouvement depuis l'étranger.
La marche de Berlin, ville qui accueille foule d'exilés et d'opposants russes, se tiendra à partir de 13H00 GMT dans le centre de la capitale allemande et prévoit de finir devant l'ambassade russe.
Elle est organisée par trois figures d'envergure de l'opposition: Ioulia Navalnaïa, la veuve d'Alexeï Navalny qui a repris les rênes de son mouvement, Ilia Iachine, ex-député municipal moscovite récemment libéré de prison et Vladimir Kara-Mourza, critique de longue date du Kremlin qui a survécu à la prison et à deux tentatives d'empoisonnement.
"La marche vise à rassembler tous ceux qui s'opposent à la guerre agressive de Vladimir Poutine en Ukraine et aux répressions politiques en Russie", ont indiqué les organisateurs dans un communiqué.
Plus concrètement, cette protestation exigera le "retrait immédiat" des troupes russes d'Ukraine, la destitution de Vladimir Poutine et son jugement en tant que "criminel de guerre" et la libération de tous les prisonniers politiques détenus en Russie.
- Mouvement fragilisé -
Cette marche aura donc valeur de test pour l'opposition russe, tant le mouvement est affaibli par des années de répression, la mort d'Alexeï Navalny et plusieurs graves luttes internes récentes.
Les derniers grands rassemblements de partisans de l'opposition en Russie avaient réuni spontanément plusieurs milliers de personnes, malgré les risques, lors des funérailles de Navalny en mars 2024 et au tout début de l'invasion de l'Ukraine en février 2022.
Des dizaines de milliers de Russes avaient aussi protesté en janvier 2021 dans de nombreuses villes du pays, un mouvement réprimé par la police à coup de milliers d'arrestations.
Or, depuis la mort d'Alexeï Navalny, l'opposition peine à raviver la flamme de la lutte contre le pouvoir russe.
Illustrant ces difficultés, Ioulia Navalnaïa a admis lors d'un entretien avec la télévision d'opposition Dojd mercredi ne pas avoir de "plan" pour parvenir à la chute de Vladimir Poutine et à l'arrêt de la guerre.
Plusieurs scandales au sein de l'opposition russe ont aussi fragilisé le mouvement et provoqué la frustration d'une partie de leurs militants.
En cause, l'agression au marteau d'un allié de Navalny, la victime pointant du doigt le courant de l'ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski. Ou encore ces accusations à l'adresse de la fondation anticorruption du défunt opposant qui aurait couvert des machinations de banquiers véreux en Russie.
- "Consolider" l'opposition -
Ioulia Navalnaïa, Ilia Iachine et Vladimir Kara-Mourza, manifestant ensemble à Berlin, espèrent donc afficher une unité, et mobiliser le vivier des dizaines de milliers de Russes ayant quitté leur pays depuis 2022, notamment pour échapper à la mobilisation militaire.
"Il est très important de montrer que nous pouvons travailler ensemble et de consolider les diverses forces du mouvement anti-guerre russe", insistait Vladimir Kara-Mourza, à l'antenne de Dojd début novembre.
Bien que la marche vise à protester contre la guerre, l'événement a été durement critiqué par l'ambassadeur ukrainien en Allemagne, Oleksiï Makeïev, qui a moqué dans les colonnes du Zeit une "promenade sans dignité et sans conséquence".
Estimant que les trois opposants n'en font pas assez pour soutenir l'Ukraine et pour appeler leurs concitoyens à protester, il a fustigé une manifestation qui n'est que l'illustration de la "faiblesse" du mouvement.
Sur la même ligne, l'association d'exilés ukrainiens en Allemagne Vitsche a jugé que l'événement "échoue à délivrer un message clair" sur le soutien à l'Ukraine.
La question de l'Ukraine est une source d'embarras pour l'opposition russe, qui est réticente à afficher un soutien trop marqué à Kiev par peur d'aliéner les Russes et de détruire tout espoir de carrière politique future dans une Russie post-Poutine.
Le Kremlin a d'ores et déjà balayé comme insignifiante la marche de Berlin. Son porte-parole, Dmitri Peskov, a moqué mercredi des opposants "monstrueusement détachés de leur pays" et dont "l'opinion n'a aucune importance".