Sous le grand dôme transparent, des milliers de papillons de toutes les couleurs, des chrysalides, des fourmis et des mantes religieuses... C'est ici à l'Insectarium de Montréal qu'a été pensée cette initiative, notamment par son directeur Maxim Larrivée.
Par rapport à "toutes les extinctions de masse qu'on a vécues par le passé, celle qui touche les insectes se produit mille fois plus rapidement", explique le passionné.
Et même si vite "qu'on est incapable de la suivre adéquatement pour mettre en place les gestes nécessaires pour la ralentir", ajoute l'entomologiste.
Disparition des habitats, pesticides et changement climatique: si les raisons de la disparition sont connues, on a en effet peu de données sur l'ampleur exacte de cette hécatombe.
Une lacune qu'aimerait combler le projet Antenna, qui utilise l'IA et donc un algorithme qui identifie les insectes grâce à des photos.
Le tout est alimenté par des bornes solaires, placées dans le Grand Nord canadien mais aussi dans les forêts tropicales panaméennes. Elles sont conçues pour prendre une photo toutes les 10 secondes des insectes attirés par une lumière UV.
Les chercheurs estiment que cette innovation permettra en deux à cinq ans de doubler la quantité d'informations sur la biodiversité récoltées depuis les 150 dernières années.
"Même pour nous, ça ressemble à de la science-fiction", ajoute Maxim Larrivée, sourire aux lèvres.
A terme, ces données devraient permettre de créer des "outils d'aide à la décision pour les gouvernements et les écologistes", pour identifier les meilleurs programmes de conservation à adopter et "restaurer la biodiversité".
- Prochaine avancée majeure -
Souvent méconnus, les insectes représentent la moitié de la biodiversité mondiale et jouent un rôle crucial dans l'équilibre de la nature que ce soit par la pollinisation, par la transformation de déchets en engrais ou en constituant la base de la chaîne alimentaire de nombreux animaux.
"C'est la prochaine avancée majeure dans le domaine de l'observation de la biodiversité", pense David Rolnick, chercheur au Mila, l'institut d'intelligence artificielle du Québec.
L'innovation est depuis quelques semaines en phase de test, le modèle est "open source" et ne se concentre pour l'instant que sur les papillons de nuit.
Avec plus de 160.000 espèces différentes, ces derniers représentent un groupe "extrêmement diversifié", "facile à identifier visuellement" et ils constituent la "base de la chaîne alimentaire", précise David Rolnick, expert en IA et passionné par les insectes depuis son plus jeune âge.
A terme, l'idée est de permettre à tout le monde de contribuer à enrichir la plateforme, mais aussi entraîner l'IA à reconnaître de nouvelles espèces d'insectes. Car si plus d'un million sont déjà connues, il pourrait en avoir dix fois plus.
"On estime que 90% des insectes n'ont pas encore été identifiés par les scientifiques", explique le chercheur.
En une semaine, une station installée dans la jungle panaméenne a découvert "trois cents nouvelles espèces", précise David Rolnick, ajoutant que "ce n'est que la partie émergée de l'iceberg".
Les chercheurs espèrent également pouvoir utiliser ce modèle informatique afin d'identifier de nouvelles espèces dans les grands fonds marins, ou encore des espèces nocives dans le domaine agricole.
A Montréal, l'Insectarium emploie déjà la technologie à des fins éducatives.
Les visiteurs de ce musée dédié aux insectes peuvent prendre en photo les papillons en liberté dans un vivarium et découvrir de quelle espèce il s'agit via l'application.
C'est une découverte pour Camille Clément, touriste française: "L'intelligence artificielle au service de l'écologie, c'est une bonne chose, si on s'en sert minutieusement", estime-t-elle en photographiant les papillons qui volent autour d'elle.
Pour Julie Jodoin, directrice d'Espace pour la vie, un regroupement de cinq musées montréalais dont l'Insectarium: "La nature, si on ne la connaît pas, on ne peut pas demander au citoyen de changer de comportement".