Voilà un sondage qui en dit long sur l'état d'esprit actuel des chefs d'entreprise. A quelques jours du premier tour des législatives anticipées, la « stabilité politique » et « le maintien de la paix civile » ont fait irruption dans leurs préoccupations, selon un sondage de la CPME réalisé entre le 20 et le 24 juin 2024. Avant même qu'Emmanuel Macron n'agite le risque d'une « guerre civile » en cas de victoire des extrêmes, la question du climat social au lendemain du deuxième tour du scrutin a été posée par l'organisation patronale.

Sur les 1.066 patrons de PME et TPE qui ont répondu à l'enquête, plus d'un tiers (35 %) jugent que la stabilité politique sera un « sujet prioritaire » au cours des prochains mois, et le « maintien de la paix civile » arrive juste derrière (29 %). « Les chefs d'entreprise sont pétris de bon sens. Ils savent que leur activité peut être percutée par la situation actuelle. Toute instabilité du paysage inquiète ceux qui doivent aller chercher des commandes », observe François Asselin, le président de la CPME. Pour 47 % des répondants - soit un niveau très élevé, souligne-t-il -, la baisse de l'activité au cours des mois à venir reste néanmoins la première crainte exprimée, avant l'hypothèse d'une nouvelle crise politique et sociale.

Opposés au SMIC à 1.600 euros net

Ces derniers jours, leur inquiétude va en réalité bien au-delà de leur seule entreprise. Face aux promesses coûteuses avancées par les principales formations en lice, les dirigeants s'alarment aussi d'une hausse de la dépense publique. Plus des trois quarts d'entre eux (78 %) considèrent aujourd'hui qu'elle pourrait conduire le pays à la faillite et à sa mise sous tutelle du FMI.Au vu des réponses, le scénario d'une victoire du Nouveau Front populaire est clairement celui qui effraie le plus les chefs d'entreprise. Au cas où l'alliance des gauches obtiendrait une majorité de sièges, 58 % des répondants prévoient de reporter leurs projets d'investissement ou de recrutement. Le Rassemblement national ne parvient pas non plus à vraiment rassurer : un gros tiers des chefs d'entreprise (36 %) indiquent également qu'ils différeront embauches et investissements s'il décroche une majorité à l'Assemblée nationale. En revanche, seuls 12 % des patrons prévoient de changer leurs projets dans le cas où le camp de la majorité présidentielle l'emporte.

Sondés sur les programmes économiques des candidats, les chefs d'entreprise pointent notamment les effets négatifs qui résulteraient d'une revalorisation du SMIC à 1.600 euros net comme l'annonce le Nouveau Front populaire. La moitié d'entre eux estiment qu'ils devront augmenter leurs prix de vente pour éviter d'avoir à couper dans les effectifs. Plus d'un quart des répondants (27 %) assurent toutefois qu'ils n'auraient d'autre choix que de licencier, et 14 % affirment qu'ils cesseraient leur activité.

En réalité, sur la politique salariale à mener, les dirigeants de PME et TPE sont divisés. La moitié dit être favorable à une indexation des salaires sur l'inflation. « J'ai été surpris », avoue François Asselin qui, lui, reconnaît y être hostile. « Les entreprises n'auront d'autre choix que d'augmenter les prix. C'est mettre le doigt dans un engrenage dangereux où tout le monde risque de sortir perdant », justifie-t-il.

L'avenir de l'assurancechômage divise

Les patrons ne sont pas alignés non plus sur le sort à réserver à la réforme de l'assurance-chômage. Là encore, une moitié des répondants estiment qu'il faudrait revenir sur ce texte qui durcit l'accès à une indemnisation, tandis que l'autre moitié le soutient.

Le sujet des retraites est un peu plus consensuel chez les chefs d'entreprise. Pour 65 % d'entre eux, revenir sur l'âge minimal de départ fixé à 64 ans par la dernière réforme serait « irréaliste dans l'état actuel des finances publiques », et 16 % pensent même qu'il faudrait travailler plus longtemps encore. Seuls 18 % des patrons soutiennent une abrogation du texte comme s'y engagent l'union des gauches et le Rassemblement national.