La jeune femme, qui a quitté la Russie en 2022 après l'invasion en Ukraine, s'est donnée pour mission de soutenir la diaspora russe et tous ceux qui ne peuvent protester contre la guerre, la propagande, et la répression dans leur pays natal.

"Cela me fait beaucoup de peine de voir la jeune génération grandir dans un environnement où la guerre, la violence et la cruauté sont monnaie courante", a déclaré Monetochka, de son vrai nom Elizaveta Gyrdymova, lors d'une réunion de l'association Russie-Libertés samedi à Paris.

"Tout ce que je peux faire, c'est me tenir loin de ces dingues et soutenir ceux qu'ils ont pris en otage".

La chanteuse était ces derniers jours à Paris, où elle s'est produite en concert vendredi au Bataclan.

L'artiste, installée en Lituanie, a été qualifiée d'"agent étranger" par les autorités russes, et figure sur une liste des personnes recherchées. 

- Tournée mondiale -

Ces poursuites ont complexifié la logistique de ses tournées et l'ont privée d'une importante source de revenus.

Auparavant, elle attirait les foules en Serbie ou en Turquie. Elle doit désormais éviter les pays amis du Kremlin, et choisir ses compagnies aériennes avec soin pour éviter une extradition vers la Russie. 

"Chaque vol que je prends doit être validé par mes avocats", a confié Monetochka à l'AFP lors d'une interview dans sa loge du Bataclan, avant de monter sur scène. 

Malgré tout, Monetochka a réussi à donner un nouveau souffle à sa carrière.

Actuellement en tournée, elle se produira dans des dizaines de pays, dont les États-Unis, l'Australie et le Japon. Son dernier album date de 2024 et elle travaille à un nouvel opus.

Avec le rappeur dissident Noize MC, elle a récolté plus de 400.000 euros pour soutenir les réfugiés ukrainiens. 

L'artiste, devenue célèbre dès ses 17 ans, a vu sa popularité croître encore depuis son exil. 

Devant une salle comble à Paris, elle interprète sa nouvelle chanson "Tu es un soldat", aux paroles qui font écho au sombre quotidien des militaires sur le front: "Tu as l'odeur du sang, tu n'es que cicatrice". 

Dans le public, Alexander Sterliadnikov, officier déserteur de l'armée russe qui a trouvé refuge en France, applaudit sa chanson "cool".

Un autre tube, qui évoque la nostalgie d'une Russie d'avant-guerre perdue, est devenu viral sur TikTok, où Monetochka compte 3,6 millions d'abonnés. 

- 'Notre code secret' -

Malgré la criminalisation de la dissidence, les chansons de Monetochka n'ont pas été interdites en Russie. D'après elle, ses fans sont plus nombreux dans le pays depuis le début de la guerre. 

Elle surnomme ses chansons "notre code secret", espérant qu'elles aident ses fans en Russie à survivre aux jours sombres.

"Tout le monde en Russie ne soutient pas la guerre, je le sais en voyant mon public", affirme-t-elle. "Beaucoup d'entre eux viennent de Russie pour assister à mes concerts".

Le mois dernier, Alla Pougatcheva, légende de la pop en Russie et critique véhémente du Kremlin, a appelé Vladimir Poutine à mettre fin à la guerre. 

Dans cette interview devenue virale, Alla Pougatcheva, 76 ans, a également fait l'éloge de Monetochka, "intelligente" et "très intéressante" à ses yeux. 

Recevoir ce type d'encouragement de son "idole" est très motivant, déclare Monetochka, qui aurait aimé en faire plus lorsqu'elle vivait en Russie.

"Si j'avais su que ces gens préparaient effectivement une guerre, j'aurais agi différemment", dit-elle. "À l'époque, j'étais très loin de tout ça".

Monetochka a commencé à avoir des problèmes avec le Kremlin avant le conflit, pour avoir exprimé son soutien aux gays et lesbiennes. 

Si elle a pu faire ses bagages et partir lorsque la guerre a éclaté, elle assure connaître des artistes réduits au silence en raison des pressions exercées par le Kremlin sur eux et leurs familles.

La chanteuse, qui a eu deux enfants en exil, invite ses fans à être doux avec eux-mêmes dans ces temps troublés. "À quoi bon tout cet héroïsme s'il n'y a pas de simple bonheur humain?".