Proche des 100 milliards d'euros en 2023, le déficit commercial de la France « restera probablement aussi important en 2024 », jugeait récemment Laurent Saint-Martin, le directeur général de Business France, l'organisme qui accompagne les entreprises françaises à l'international. La préoccupation sur la faiblesse des exportations françaises est récurrente. La consolation est mince mais, sur le terrain, ça commence à bouger côté export.

« Après une atonie de plus de dix-huit mois, ça redémarre sur les marchés nord-africains et indiens, et nous commençons à avoir des perspectives », témoigne Christophe Janvier, directeur général de Sinex Industrie, un fabricant de matériel vibrant pour le transport et le criblage des produits en vrac.

Comme cette PME charentaise de 38 salariés qui annonce un chiffre d'affaires de 8 millions d'euros réalisé pour 40 % avec l'international, près d'un quart des petites et moyennes entreprises interrogées par Bpifrance Le Lab, dans le cadre du premier baromètre sur l'export, a l'intention d'exporter cette année.

Et 19 % comptent augmenter leurs exportations. Des signaux positifs, « car c'est beaucoup plus que les 15 % de TPE-PME qui déclarent exporter chaque année », observe Philippe Mutricy, directeur de l'évaluation des études et de la prospective de la banque publique.Les deux tiers des entreprises qui se disent « exportatrices occasionnelles » ont ainsi l'intention d'exporter et un tiers des non-exportatrices - pour cause d'échec de la démarche - souhaitent retenter l'aventure en 2024. Autre indice qui laisse espérer un certain dynamisme à l'export : la hausse des exportations attendues, notamment sur les marchés hors Europe.Au-delà des bénéfices pour le commerce extérieur, il faut noter que « les prévisions d'activité et d'emploi sont nettement plus élevées chez les PME ayant une expérience à l'export », souligne Sabrina El Kasmi, responsable du pôle conjoncture-macroéconomie de Bpifrance.

Certes, sur les cinq dernières années, 27 % seulement des PME interrogées ont, à un moment ou à un autre, exporté. Mais ce chiffre est à relativiser, selon Bpifrance, alors que les deux tiers de ces entreprises déclarent ne pas être concernées par l'export, du fait de leur taille et/ou de leur activité.

12 % des entreprises exportatrices le font occasionnellement. Les 15 % de régulières se distinguent par leur résilience : près de 4 sur 10 tablent sur une hausse de leur chiffre d'affaires en 2024 quand les « occasionnelles » sont moins de 3 sur 10 et que les « non concernées » plafonnent à 2 sur 10.

L'étape difficile de l'investissement

« Osez l'export », le plan présenté en septembre dernier par le gouvernement doit permettre d'épauler PME et entreprises de taille intermédiaire dans leur internationalisation et de passer de 150.000 à 200.000 exportatrices à l'horizon 2030. Mais l'essentiel des exportations françaises reste le fait d'un petit contingent d'entreprises : 5.000 grands groupes et ETI en réalisent 92 %. Et « à l'échelle des montants exportés, les PME sont écrasées par les grands groupes », dit Sabrina El Kasmi. Bien que représentant 96 % des exportateurs, elles ne portent que 12 % des montants.

Au vu des résultats du baromètre, la question est de savoir ce qui pourrait engager les 12 % d'exportatrices occasionnelles à devenir des régulières et les 8 % de non exportatrices possiblement concernées, et notamment celles de l'industrie, à sauter le pas, décode Philippe Mutricy.Pour exporter, « le plus compliqué, c'est d'investir », insiste Christophe Janvier, chez Sinex Industrie, en évoquant les 80.000 euros consacrés chaque année aux frais de port pour l'Afrique. Les entreprises comme la sienne pointent généralement comme principaux obstacles, les coûts de prospection (27 %), la complexité administrative (26 %) et les risques de délais de paiement (24 %). Les non-exportatrices potentiellement concernées, estiment, elles, à près de 50 %, qu'elles sont trop petites pour se lancer.

La taille n'est pas un sujet pour Aymeric Dehont, qui dirige avec son frère Tristan, Arena Blast, spécialiste des équipements industriels de traitement de surface. La PME, située à Marquette-lez-Lille, dans les Hauts-de-France, affiche 13 salariés et environ 2 millions d'euros de ventes, dont moins de 10 % sont réalisés à l'export. Mais les dirigeants qui ont racheté l'entreprise l'année dernière, ont décidé de la préparer pour le marché européen - c'est le principal débouché des Français à l'export.Entre traduction des documents techniques et commerciaux, présence sur un salon professionnel en Allemagne et adaptation de l'organisation, Aymeric Dehont - dont la philosophie est d'« être d'abord fort sur le marché français » - évalue l'investissement à 100.000 euros sur deux ans. « Notre principal frein est le temps », confie-t-il. « La culture de l'internationalisation, qui n'était pas la marque de fabrique des entreprises françaises, excepté pour un petit nombre d'entre elles, gagne peu à peu du terrain ; l'activité export devient plus naturelle », explique Philippe Mutricy. « Cela ne se voit pas encore dans les autres chiffres officiels de l'export, et il ne faut négliger l'existence de barrières, mais le retard, assure-t-il, est en train de se combler. »

Les chefs d'entreprise français sont notamment confiants dans la qualité de leurs produits et services vis-à-vis des concurrents étrangers (64 %), même si sans surprise, elles se sentent pénalisées par le coût du travail et la fiscalité, en particulier dans l'industrie.