Un réchauffement moyen de 2 °C d'ici à la fin du siècle, une augmentation des phénomènes climatiques extrêmes, des risques accrus d'inondations et de sécheresse. Les conséquences du changement climatique, qui sont au coeur du rapport du Giec présenté hier à Yokohama (Japon), figurent aussi sur l'agenda des dirigeants d'entreprise. Deux manifestations sur ce thème ont lieu cette semaine en France. Météo France organise aujourd'hui, à Paris, un colloque international, « Comment se préparer au climat de demain ». Et EPE (Entreprises pour l'environnement), une association d'une quarantaine de grands groupes, va présenter jeudi un guide de bonnes pratiques pour les entreprises, qu'elle publie en collaboration avec l'Onerc (Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique). « Nous ne pouvons plus douter de la réalité du changement climatique », soutient Julien Colas, responsable du pôle énergie-climat à EPE. Dans leur dernier rapport Sigma, les experts du réassureur Swiss Re rappellent que « des mesures préventives - réalisées à moindres frais - permettraient d'éviter 68 % des risques liés au changement climatique ».

Evaluer l'exposition de l'entreprise

L'exposition varie en fonction de l'implantation, des activités, de la localisation des clients, des fournisseurs. « En France, avec la remontée du niveau de la mer, les activités industrielles ou touristiques dans les territoires littoraux de basse altitude risquent de subir des inondations qui pourront rendre indisponibles leurs installations, mais aussi les réseaux (routes, lignes électriques…) les desservant », prévient Bertrand Reysset, chargé de mission à l'Onerc. Et la hausse des températures aura des conséquences diverses. « Les stations que nous exploitons sont situées en haute altitude, au-dessus de 1.600 mètres, ce qui nous protège théoriquement, précise Agnès Pannier, directrice générale déléguée de la Compagnie des Alpes. Notre priorité est de nous adapter à des variations climatiques importantes dans une même saison, par exemple tirer le meilleur parti des fenêtres de froid pour la neige de culture. » Les précipitations devraient rester stables, mais l'évaporation sera plus importante, ce qui entraînera une diminution du débit des cours d'eau et donc un risque de stress hydrique sur certains équipements, notamment électriques (lire ci-dessous). La situation des ateliers ou des fournisseurs situés à l'autre bout de la planète doit aussi être prise en compte : en octobre 2011, à la suite d'inondations dramatiques, Sony, avait dû fermer deux de ses usines thaïlandaises.

Analyser les risques pour l'entreprise et ses clients

« Lorsqu'il fait 30° C dehors, le rail peut chauffer jusqu'à 45° C et se déformer lors du passage d'un train », relève Alexandre Kaddouri, chef de projet Climat et énergie à la SNCF. Autre conséquence : « A l'horizon 2030, 47 % de la population mondiale vivront dans des zones à fort stress hydrique (entre 1.000 et 1.700 m3 d'eau par habitant et par an) », constate Hélène Valade, directrice du développement durable chez Suez Environnement. AXA s'intéresse plutôt aux dégâts des inondations. « Nous avons 70 experts, ingénieurs ou inspecteurs relayés par 1.200 agents généraux entreprises, qui accompagnent nos clients concernés pour les aider à évaluer les risques et mettre en place des plans de continuité d'activité personnalisés », affirme Nathalie Bellegueulle, responsable ingénierie et prévention Iard pour AXA Entreprises.

Etablir une feuille de route

« Nous réalisons un recensement pour faire évoluer plusieurs dizaines de nos référentiels ferroviaires afin d'adapter aux futurs aléas climatiques le matériel roulant - notamment pour la part électronique embarquée ou la climatisation -, les gares ou les règles de maintenance de l'infrastructure », indique Alexandre Kaddouri. D'autres voient à très long terme : « Nous gérons des infrastructures sur vingt, trente ou soixante-dix ans. Nous investissons pour aider la recherche scientifique à trouver des indicateurs de performance sur ces durées longues, décrit Christian Caye, délégué au développement durable et à l'innovation du groupe Vinci. C'est ce qui nous permet d'innover pour anticiper la résistance des matériaux et des équipements et pour que les villes intelligentes soient performantes en 2020, mais surtout en 2050 ou 2100. »

Dénicher les opportunités

Les zones qui devraient le plus pâtir de la sécheresse ou des inondations (Amérique du Sud, Asie, Afrique…) sont aussi celles qui devraient connaître les plus fortes croissances économiques. Ces pays pourront donc investir dans des nouvelles technologies. Là aussi, il y a urgence pour les entreprises françaises. Leurs collègues anglais et hollandais ont pris de l'avance, en particulier dans le conseil. « Les Britanniques ont très vite fait le lien entre la science climatique et le monde économique, constate Bertrand Reysset, de l'Onerc. Cela leur confère un avantage pour répondre aux appels d'offres que passent de grandes villes ou des opérateurs pour étudier l'impact du réchauffement et la manière d'y faire face. » « Nous travaillons avec des producteurs d'électricité sur la sensibilité au climat des lignes à haute tension ou avec des ministères de l'environnement pour repérer des barrières anti-inondations à renforcer en priorité », détaille Jane Strachan, responsable, au sein du Met Office (l'agence britannique de météorologie), du département services climatologiques internationaux, qui aide déjà pouvoirs publics et entreprises à s'adapter.