Ralentissement oui, Bérézina non. Contrairement à la Banque de France ou à l'OFCE, l'Insee ne table pas sur une franche dégradation de l'emploi en France. Après l'euphorie post-Covid des années 2021 et 2022, malgré une légère remontée de la productivité, les entreprises n'embauchent plus autant. Mais elles n'ont pas pour autant décidé de sabrer dans leurs effectifs.Dans sa note de conjoncture publiée jeudi, l'institut statistique national s'attend à ce que l'emploi reste quasi stable sur les six mois à venir. « C'est ce qui ressort de notre scénario central qui comporte de nombreux aléas, liés au cours du pétrole, à l'évolution géopolitique ou au resserrement monétaire », explique le chef du département de la conjoncture, Julien Pouget.

Activité atone

L'Insee n'attend que 10.000 créations nettes d'emplois, salariés et non salariés, au quatrième trimestre, 5.000 sur les trois premiers mois de 2024 et 25.000 sur les trois suivants sous l'effet d'une « légère accélération ». En pourcentage, ces chiffres signent des évolutions trimestrielles de l'ordre de l'épaisseur du trait, même si des révisions importantes restent possibles. Ce fut le cas au troisième trimestre 2023 marqué par un écart finalement favorable de 50.000 emplois entre l'estimation provisoire et définitive.

Cette atonie tient à celle de l'activité, précise Julien Pouget. Par ailleurs, l'effet apprentissage, qui avait contribué pour un tiers à la hausse de l'emploi entre fin 2019 et fin 2022, s'atténue : jusque-là très positif, le solde entre les entrées et les sorties en contrats d'alternance est désormais quasi nul, ce qui contraste avec les très fortes augmentations passées des entrées. Le ralentissement de l'emploi, couplé à une population active qui continue d'augmenter sous l'effet de la réforme de la retraite,contribue à ce que le taux de chômage remonte très légèrement. Il atteindrait 7,6 % au premier trimestre (contre 7,4 % au troisième trimestre 2023) et resterait à ce niveau sur le suivant, un plus haut depuis le troisième trimestre 2021. Là encore, les autres instituts se montrent plus pessimistes.

Quelle que soit son ampleur, cette poussée complique la tâche du gouvernement qui reste accroché à son objectif d'atteindre le plein-emploi d'ici à la fin du quinquennat, soit un taux de chômage visé de 5 %. Cela impliquerait une baisse d'un peu plus de 0,2 point de pourcentage par trimestre entre le troisième trimestre de 2024 et le deuxième de 2027.

Contrôle des chômeurs

Un tel rythme n'est pas impossible mais ambitieux. Le simple fait d'atteindre 5,5 % serait une victoire en soi, la France buttant depuis des décennies sur les 7 % de taux de chômage.

Dans ce contexte, Elisabeth Borne a appelé les principaux ministres à la mobilisation. La Première ministre les a récemment réunis pour identifier des mesures censées favoriser les embauches, sans attendre la fin de la négociation des partenaires sociaux sur l'emploi des seniors d'ici à mi-mars. Les contrôles de Pôle emploi auprès des chômeurs qui ont bénéficié d'une formation menant à un métier en tension pourraient être renforcés, a-t-elle laissé entendre dans une interview au « Figaro ».