C'était attendu. Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont donné un coup de pouce bienvenu à l'activité économique pendant l'été, contrebalançant les incertitudes nées de la situation politique française. Le PIB a progressé de 0,4 % au troisième trimestre, un chiffre en ligne avec les prévisions, selon la première estimation de l'Insee publiée mercredi. L'Hexagone affiche ainsi une performance identique à celle de la zone euro entre juillet et septembre.

Comptabilisés sur la période, la vente de billets et les revenus issus de la vente des droits de diffusion audiovisuels des JO ont soutenu l'activité. Atone en début d'année, la consommation a, elle aussi, retrouvé des couleurs, en hausse de 0,5 %, dont « environ la moitié » liée aux « services récréatifs » consommés pendant la compétition.

Sursaut ponctuel

Ce sursaut n'est toutefois que ponctuel et ne correspond pas à l'évolution des fondamentaux de l'économie tricolore. « Sans les Jeux Olympiques, la croissance s'élève à peine à 0,2 %. Sur le fond, l'économie française manque de dynamisme », observe Nicolas Carnot, directeur des études et synthèses économiques de l'Insee.

Cette parenthèse refermée, la croissance va mécaniquement ralentir par contrecoup. Dans ses prévisions de début d'octobre, l'Insee table sur une stagnation de l'activité au quatrième trimestre. Au total, après avoir progressé de 0,2 % au premier et au deuxième trimestres, le PIB devrait néanmoins croître de 1,1 % cette année, selon l'Insee. L'objectif du gouvernement, qui affiche la même prévision, devrait donc être atteint.

Si les Français se sont un peu remis à dépenser en août, la reprise de la consommation, qui représente la moitié de l'activité économique de l'Hexagone, s'est déjà étiolée dès le mois suivant, en hausse de 0,1 % seulement en septembre selon l'Insee. L'investissement des ménages - qui recouvre les achats d'immobilier neuf - continue de son côté à baisser, toujours plombé par des taux d'intérêt élevés.Ce sont surtout les entreprises qui envoient des signaux négatifs. La production manufacturière a stagné au cours des trois derniers mois. L'investissement a accéléré son recul, en baisse de 1,4 % sur le trimestre. Le climat d'attentisme créé par la dissolution de l'Assemblée nationale et l'absence de majorité claire a certes pesé.Mais avec une Allemagne en panne et une économie chinoise tournant au ralenti, l'environnement mondial s'est, lui aussi, durci. Sur la période, les exportations se sont ainsi repliées de 0,5 %. Les importations ayant diminué davantage encore (- 0,7 %), le commerce extérieur, qui a été le moteur de croissance en début d'année a néanmoins maintenu une contribution positive, de 0,1 point, tout comme la demande publique, toujours très dynamique.

« Dans les enquêtes, on ne voit rien qui pourrait soutenir l'activité d'ici à la fin d'année », estime Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade. Au contraire, les industriels pointent des carnets de commandes dégarnis. Et les entreprises de services affichent une certaine frilosité sur les embauches. « Du côté des entreprises, rien ne laisse espérer une amélioration rapide », estime Philippe Waechter chez Ostrum Asset Management.

Dans cette ambiance maussade, le seul espoir est que la désinflation plus rapide que prévu se traduise dans les prochains mois par davantage de consommation des ménages. C'est d'ailleurs le scénario retenu par la plupart des économistes, même s'ils commencent à être plus prudents. « La consommation va probablement redémarrer, mais ce ne sera pas forcément le coup de fouet que l'on pouvait espérer sur la croissance », avertit Philippe Waechter.

« La vraie inquiétude porte sur 2025 », souligne Christopher Dembik, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet AM. L'année va démarrer sans élan et les mesures de redressement prévues dans le budget pour rétablir les comptes publics vont peser sur la croissance. « Les ménages, toutes catégories confondues, et les entreprises de toute taille vont être touchés. Entre l'alourdissement des taxes et cotisations, et la réduction de la dépense publique, les PME et les ETI vont souffrir, cela va freiner leur investissement, malgré la baisse des taux. Il faut aussi s'attendre à un gel des embauches et à une plus grande modération salariale », prévient l'expert.

Effets récessifs du budget

A ce stade, les économistes se divisent encore au sujet de l'incidence du budget 2025 sur la croissance. L'OFCE l'a évaluée à 0,8 point, un chiffre jugé « un peu exagéré » par la Banque de France. Selon Allianz Trade, l'impact serait plutôt de 0,4 point. En réalité, tout dépendra de la version définitive qui sera adoptée.

A Bercy, on préfère s'en tenir aux nouvelles positives. Le bon chiffre du troisième trimestre « témoigne de la solidité de notre économie », s'est félicité le ministre de l'Economie, Antoine Armand, dans la foulée de la publication de l'Insee. « C'est un acquis pour les prochains mois qui sera conforté par le reflux de l'inflation, la baisse des taux d'intérêt et les réformes engagées par le gouvernement », a-t-il assuré. Pour autant, atteindre 1,1 % de croissance en 2025, comme le prévoit Bercy, apparaît optimiste. L'acquis de croissance, au 1er janvier, sera faible, de l'ordre de 0,3 %. Pour tenir cet objectif, une hausse du PIB un peu supérieure à 0,3 % chaque trimestre sera donc nécessaire. Une gageure.