La démarche en dit long sur le soutien que Paris espère obtenir de Berlin dans ses négociations avec Bruxelles. La veille du discours de politique générale à l'Assemblée du nouveau Premier ministre, Manuel Valls, qui sera suivi d'un vote de confiance, Michel Sapin a rendu visite à Wolfgang Schäuble pour lui donner la primeur des mesures. « J'ai souhaité informer le ministre des Finances allemand de ce que le gouvernement français avait décidé et va annoncer demain », a déclaré à Berlin le nouveau ministre des Finances. Evoquant le vote du Parlement comme un « moment extrêmement important pour la France et sans doute pas indifférent pour l'Allemagne ». Mais le ministre, qui va rencontrer ses homologues à Washington jeudi à l'occasion d'une réunion du FMI, a donné des gages à l'Allemagne, inquiète de l'avancée des réformes en France. Nous fixerons un « objectif budgétaire inscrit dans la réalité, avec des décisions difficiles, courageuses, et que nous assumons pleinement pour faire en sorte que l'ensemble des engagements pris par la France puisse être respectés ».La France, qui a reçu en 2013 un délai de deux ans pour rentrer dans les clous du pacte de stabilité, veut convaincre la Commission européenne de lui donner plus de souplesse. Elle a affiché l'an dernier un déficit public de 4,3 % de PIB, ce qui complique le retour sous les 3 % promis pour 2015. Pour Michel Sapin, le but est d'assainir les finances publiques en économisant 50 milliards d'euros, mais sans mettre un frein à la croissance. « La France connaît sa responsabilité et cela a été confirmé par Michel Sapin, a souligné Wolfgang Schäuble. L'Allemagne a besoin d'une France forte. » Le ministre chrétien-démocrate (CDU) est confronté à un dilemme : il affiche sa compréhension pour la France - qui est « sur un très bon chemin » - et veut éviter une rechute de la crise, mais ne peut pas donner l'impression de fragiliser un pacte de stabilité dont la crédibilité est déjà malmenée. « La compréhension est là, mais la France doit passer à l'acte », juge-t-on à Berlin.

Stratégie politique

Le sujet est aussi politique : alors que le parti eurosceptique allemand AfD critique la France, Jean-Claude Juncker, la tête de liste luxembourgeoise du Parti populaire européen (PPE) aux élections européennes, refuse de lui accorder un délai supplémentaire, contrairement à son rival socialiste allemand, Martin Schulz. Conservateurs et sociaux-démocrates cohabitent au sein de la grande coalition d'Angela Merkel. « Il y a un intérêt du gouvernement allemand à avoir une situation économique stable en France, comme en Italie, estime Henrik Enderlein, professeur d'économie et directeur de l'Institut berlinois Jacques-Delors, qui a rencontré Arnaud Montebourg, lui aussi à Berlin hier (lire ci-contre). De mon point de vue, le plan du gouvernement français est le bon, c'est la mise en oeuvre qui est désormais importante. » Michel Sapin attend un signe. « L'Allemagne pèse en Europe et pèse encore plus par les signaux faibles qu'elle émet », selon un proche du ministre.