L'économie allemande est entrée en récession en 2023. Et l'embellie n'est pas pour demain. Fin février, le gouvernement a révisé drastiquement ses prévisions pour 2024. Après un recul du PIB de 0,3 % l'an dernier, Berlin prévoit désormais une croissance d'à peine 0,2 % cette année et de 1 % en 2025. Pour la plupart des économistes, l'onde de choc semble inévitable pour l'économie française. De fait, la première puissance économique de la zone euro estle premier fournisseur et surtout le premier client de l'Hexagone. Le premier canal de contagion sera donc commercial. Le marasme de l'économie allemande, confrontée au repli de sa production industrielle et à une demande intérieure morose, devrait mécaniquement peser sur la demande adressée aux entreprises tricolores.

Effets de contagion

L'an dernier, ces dernières ont vendu pour 82 milliards d'euros de biens outre-Rhin. « Après un premier semestre où les industriels allemands ont beaucoup acheté pour combler les pénuries, les exportations françaises ont commencé à ralentir à partir de la mi-année 2023, avec le repli de l'industrie automobile allemande », constate Stéphane Colliac, économiste France et Allemagne chez BNP Paribas. Et ce n'est sans doute pas fini. « Quand la demande intérieure en Allemagne évolue moins vite qu'en France, la balance hexagonale se dégrade », observe Philippe Waechter chez Ostrum Asset Management. « Tous les grands secteurs exportateurs de la France vers l'Allemagne vont être touchés », prévient Maxime Darmet, économiste France chez Allianz Trade. En premier lieu, le secteur des machines et équipements électriques, où les ventes hexagonales outre-Rhin représentent 20 milliards d'euros, mais aussi l'industrie automobile et ses équipementiers (10 milliards), la pharmacie, l'industrie du plastique. Selon les calculs d'Allianz Trade, le manque à gagner pour les exportateurs français pourrait approcher les 800 millions d'euros. « A cela, il faut ajouter l'effet de contagion sur les autres partenaires de l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique notamment. Il faut aussi s'attendre à ce que les recettes tirées du tourisme allemand en France soient moins élevées », alerte Charles-Henri Colombier, directeur de la conjoncture de Rexecode.Dans quelle mesure la croissance tricolore sera-t-elle affectée par le ralentissement de son premier partenaire commercial ? L'ampleur du choc fait débat chez les experts. Pour Maxime Darmet, le ralentissement allemand va amputer le PIB hexagonal de 0,05 point cette année. Selon Charles-Henri Colombier, l'impact pourrait même être plus marqué. « Un point en moins de croissance en Allemagne pourrait se traduire par environ 0,1 point de croissance en moins pour la France et même 0,2 point en tenant compte des effets de contagion dans les autres pays de la zone euro », calcule-t-il.A contrario, Mark Brütsch chez Swiss Bank dessine un scénario plus optimiste : « Le pire est en train d'être passé en Allemagne. A partir du deuxième semestre, la dynamique économique va progressivement s'améliorer. La situation outre-Rhin n'aura pas un grand impact sur la croissance économique française cette année », assure-t-il.

Production industrielle française en léger repli

Seule certitude : en quête de sources d'impulsion, l'économie hexagonale ne peut pas compter à court terme sur sa voisine allemande pour rebondir. « Aujourd'hui les industriels français ont une appréciation très positive de leur situation de compétitivité alors qu'elle est très dégradée chez leurs homologues allemands », relève Charles-Henri Colombier.

En attendant, en janvier, la production industrielle hexagonale a accusé un repli de 1,1 % sur un mois et même de 1,7 % si on s'en tient au secteur manufacturier, a indiqué mardi l'Insee. Sur un an, elle reste néanmoins en hausse, respectivement de 0,8 % et 0,4 %.