Quand les talibans sont revenus au pouvoir en août 2021, "tout a été perdu", a dit dans un entretien avec l'AFP cette semaine Mme Jalal, qui a été la première femme dans l'histoire du pays à se présenter à la présidentielle.

"Ils nous ont ramenés à l'obscurité que nous avions quittée au prix d'un dur combat", a-t-elle dit.

En dépit de leurs assurances qu'ils ne reviendraient pas à la brutalité de leur premier exercice du pouvoir dans les années 1990, les talibans ont imposé une interprétation rigoriste de la loi islamique à la population, y compris le retour des flagellations et exécutions publiques.

Les femmes ont été écartées de l'éducation au-delà de l'âge de 12 ans, de certains métiers et de nombre de domaines publiques dans ce que les Nations unies ont qualifié d'"apartheid de genre".

Mais Mme Jalal, une docteure en médecine de 61 ans qui a exercé dans son pays la fonction de ministre des Affaires féminines de 2004 à 2006, assure qu'"il y a un moyen de passer de l'obscurité à la lumière".

"C'est un défi, mais ce n'est pas impossible", a-t-elle dit à l'AFP à Genève, où sa fille Husna et elle ont été récompensées d'un prix des droits des femmes au Sommet annuel pour les droits humains et la démocratie.

"Cela peut être résolu", a-t-elle ajouté.

Elle a appelé à l'organisation d'une grande conférence du type de celle tenue sous les auspices des Nations unies à Bonn en 2001, qui avait posé les jalons d'un exercice du pouvoir post-talibans et de l'accès à la démocratie.

"Le régime politique de Kaboul n'est pas soutenu par la population, pas plus qu'il n'est reconnu ou soutenu dans le monde", a souligné Mme Jalal, qui raconte vivre un "exil forcé" aux Pays-Bas.

"Cela n'a pas de sens, alors pourquoi continuer? Des millions de personnes souffrent", a-t-elle ajouté.

- La lumière contre l'obscurité -

Elle estime qu'avec un peu de volonté politique une pression pourrait être exercée sur les talibans et leurs soutiens pour qu'ils participent.

La communauté internationale a le devoir de mettre fin aux souffrances profondes des Afghans, a-t-elle insisté.

"Le monde ne peut pas juste être spectateur", a-t-elle souligné. 

Elle se souvient de son exaltation quand les talibans avaient été chassés par une intervention menée par les Américains dans les suites de l'attaque du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

"Quand la communauté internationale est intervenue et a posé un agenda démocratique, la lumière est entrée dans le pays", a-t-elle rappelé.

Mme Jalal, qui à l'époque travaillait pour les programmes d'aide de l'ONU après que les talibans l'avaient chassée de son poste de professeure de l'Université de Kaboul, avait été candidate à la première présidentielle du pays, en 2004.

Elle avait été surprise de sa défaite face à Hamid Karzai, recueillant à peine plus d'un pour cent des suffrages.

"Je pensais que j'allais être la vainqueure", a-t-elle dit, soulignant que tous ses concurrents représentaient des groupes armés et qu'elle était devenue très populaire en organisant l'aide humanitaire dans tout le pays.

Elle rejette cependant l'idée selon laquelle les Afghans n'étaient pas prêts à voir une femme au pouvoir, et appelle à une restauration rapide de la démocratie avec "bien sûr des droits égaux pour les femmes".

Et puisque les femmes afghanes ont souffert plus que les autres, "nous devons inclure de plus en plus de femmes dans le processus et la direction du pays", a-t-elle dit. 

"Je vais continuer à combattre pour la démocratie, pour la justice, pour la dignité de chaque femme afghane", a-t-elle promis lors de la cérémonie de remise de prix.