"J'ai la douleur extrême de faire part du décès de mon époux, l'immense acteur Niels Arestrup, au terme d'un combat courageux contre la maladie. Il s'est éteint entouré de l'amour des siens", a écrit dans un communiqué transmis à l'AFP l'actrice et écrivaine Isabelle Le Nouvel.

Se tenant volontiers à l'écart d'une célébrité acquise tardivement, Niels Arestrup avait obtenu deux premiers César du meilleur second rôle pour des prestations devant la caméra du même réalisateur, Jacques Audiard, pour "De battre mon cœur s'est arrêté" (2005) et "Un prophète" (2009).

Il a aussi tenu en 2016 l'un des principaux rôles de la série de fiction politique "Baron noir", où il n'a accepté de jouer que dans la première saison. "Je refuse d'incarner un personnage récurrent, de m'embarquer pour deux ou trois ans dans un rôle qui finit par vous coller à la peau", expliquait-il au Monde en 2019.

Le président Emmanuel Macron et son épouse ont salué dans un communiqué "un grand acteur de notre temps, exigeant et populaire, figure de notre théâtre, inoubliable au cinéma, passeur et modèle pour une génération de comédiens".

"Nous avons été éblouis par la force de son jeu et sa présence magnétique face à la caméra de Jacques Audiard, de Bertrand Tavernier, de Julian Schnabel ou d'Albert Dupontel. Il restera comme un de nos plus grands comédiens", lui a de son côté rendu hommage la ministre de la Culture, Rachida Dati, sur la plateforme X.

L'acteur Tahar Rahim, qui avait partagé avec Niels Arestrup l'affiche d'"Un prophète", a évoqué sur Instagram "un privilège rare d'être à (ses) côtés pour (sa) première expérience au cinéma" et loué "un immense acteur" dont il a souligné la "grandeur d’âme".

- "On cherche une vedette" -

Niels Arestrup devait son nom à un père danois qui avait tenté d'émigrer vers les États-Unis mais s'était arrêté en France pour se marier. Ce père ne lui parlait que français, dans un milieu très modeste en région parisienne.

"Vous imaginez bien que fils d'ouvrier à Bagnolet dans les années 1950, le spectacle, le théâtre, le cinéma, c'était quelque chose qui n'entrait pas du tout dans mes pensées", disait-il au Figaro en 2021.

Mais il s'était passionné pour le théâtre en prenant des cours avec la comédienne Tania Balachova. Il resta fidèle à la scène pendant près d'un demi-siècle, et rejeta largement la célébrité.

"Quand j'ai commencé dans le métier, les directeurs de théâtre choisissaient une pièce, puis ils se posaient la question de la distribution. Maintenant, c'est l'inverse: on cherche une vedette et, après seulement, la pièce qui pourrait aller avec", déplorait-il dans Le Monde.

De 1989 à 1993, il a lui-même pris la direction d'un théâtre, celui de la Renaissance à Paris.

Parmi tous ses rôles, plutôt de personnages sombres et inquiétants, le dernier a été au cinéma celui d'un chef d'orchestre dans "Divertimento" en 2023. Inédit à la télévision, il sera diffusé dimanche à 21h05 sur France 3 en guise d'hommage.

Un troisième et dernier César du meilleur second rôle lui a été remis en 2014 pour son incarnation d'un directeur de cabinet dans "Quai d'Orsay". Il avait remercié Bertrand Tavernier pour ce "rôle un peu différent de ce qu'on [lui] proposait d'habitude, presque un truc drôle".

Sa carrière, également marquée par l'obtention d'un Molière du meilleur comédien en 2020, a été aussi entachée par des accusations de violences contre des actrices lors de tournages ou de répétitions, entre autres par Isabelle Adjani ou Myriam Boyer. "Ça me colle à la peau", admettait-il, interrogé par Libération en 2007. Il n'a jamais été visé par une plainte.

Avec son épouse, il a eu des jumeaux nés en 2012.