A la veille d'une importante réunion de l'intersyndicale de la fonction publique qui doit décider des contours d'une mobilisation pouvant aller jusqu'à la "grève" --que deux des principaux syndicats soutiennent-- la sortie du ministre pourrait achever d'envenimer la situation. 

En cause, un message posté sur X dans lequel Guillaume Kasbarian s'enthousiasme, en anglais, de la nomination du multimilliardaire Elon Musk par Donald Trump: "Félicitations pour avoir accepté ce super défi @elonmusk ! J'ai hâte de partager avec vous les meilleures pratiques pour lutter contre l'excès de bureaucratie, réduire la paperasse, et repenser les organisations publiques pour améliorer l'efficacité des agents publics".

Le patron de Tesla, Space X et X, soutien inconditionnel de M. Trump pendant la campagne, a été chargé de "démanteler la bureaucratie gouvernementale, sabrer les régulations excessives, couper dans les dépenses inutiles, et restructurer les agences fédérales", selon un communiqué du président élu. 

"On pensait que le trumpisme en France se limitait à l'extrême-droite. On se trompait. Nous avons G. Kasbarian le Elon Musk Français sans l'électricité", a tancé sur le même réseau social le patron du Parti socialiste Olivier Faure, tandis que président LFI de la commission des Finances, Eric Coquerel, a interpellé le Premier ministre Michel Barnier "sur cette éloge en anglais d'un partisan de la casse totale de l'Etat". 

La nomination d'Elon Musk a toutefois trouvé quelques soutiens à droite, notamment celui de Valérie Pécresse. "Un comité de la hache anti-bureaucratique, j'en ai rêvé et @elonmusk va le faire !", a salué la présidente de la région Île-de-France.

Mais cette prise de position du ministre de la Fonction publique survient après une semaine de tensions consécutives à des annonces d'économies sur la fonction publique à hauteur de 1,2 milliard d'euros qui ont suscité une levée de bouclier des syndicats. 

- "Jamais vu"-

Deux mesures ont notamment cristallisé la colère: la réduction de 100% à 90% de l'indemnisation des congés maladie des fonctionnaires, et l'instauration de trois jours de carence non payés, au lieu d'un actuellement, lors de ces absences - hors pathologies lourdes.

A l'issue du conseil des ministres mercredi, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a relativisé ces propos et nié toute "convergence" entre Donald Trump et le gouvernement français.

"Il n'y a pas de surinterprétation à faire, mon collègue Guillaume est extrêmement mobilisé depuis des années sur la nécessité de simplifier et de débureaucratiser l'administration française. Il a félicité son homologue et ça s'arrête là", a-t-elle dit. 

Interrogé par l'AFP, l'entourage a assuré que "saluer la nomination d'un homologue, dont l'exécutif a été élu démocratiquement, ne (valait) pas adhésion".

Mais côté organisations syndicales et collectifs d'agents, la colère est loin de retomber et la séquence pourrait laisser des séquelles. 

"Jamais on n'a connu ça, c'est d'une violence inouïe", a indiqué à l'AFP Mylène Jacquot, secrétaire générale de l'UFFA-CFDT. "Il y a déjà eu des désaccords, des conflits (avec d'autres ministres, ndlr), mais jamais ce niveau de brutalité", a-t-elle poursuivi. 

Même son de cloche chez Christian Grolier, secrétaire général de l'UIAFP-FO, dont l'organisation a appelé jeudi dernier à la grève. Ces déclarations "mettent de l'huile sur le feu", a-t-il indiqué à l'AFP, regrettant que le ministre puisse voir en MM. Trump et Musk des "modèles". 

"C'est l'exemple même de l'erreur absolue de casting", a lancé François Hommeril, président de la CFE-CGC. "En tant que ministre, il devrait affronter les lieux communs, les préjugés", et défendre "les personnes qui en sont la cible". 

Dans un communiqué, le cercle de réflexion de hauts fonctionnaires "le Sens du service public" s'est étonné que Guillaume Kasbarian "puisse apporter un soutien au personnage d'Elon Musk assumant un positionnement extrémiste et masculiniste", son co-fondateur Johan Theuret dénonçant une "absence d'humilité du ministre" et "une provocation".